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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 10:31

Article à paraître dans la revue Agir (avril 2013)

 

La perception de la Chine en France : entre fascination et répulsion

 

 

« Celui qui visite la Chine une semaine veut écrire un livre, celui qui y passe un an un article, et celui qui y vit plus de dix ans ne veut plus rien écrire du tout ». Plus on connaîtrait la Chine, plus on mesurerait l’impossibilité de la comprendre tout à fait.

La Chine est immense, diversifiée et mouvante. Les « Trente glorieuses chinoises » et la mondialisation, dans laquelle la Chine s’est révélée, ont bouleversé à la fois la société chinoise et la vision que l’Occident avait de cet empire longtemps considéré comme « immobile » et lointain.  Pour ceux qui l’avait oubliée ou sous-estimée, la Chine a refait irruption dans le monde.

Au début du XXI° siècle, les notions de rattrapage et d’émergence ont été associées au « miracle chinois ». C’était oublier que pendant des siècles et jusqu’à une période relativement récente, la Chine avait déjà été la nation la plus dynamique économiquement et commercialement. En 1820, la Chine était la première puissance économique et totalisait près d’un tiers du PIB mondial.  L'Europe raffolait alors des produits chinois : thé, soie, porcelaine, objets laqués…, creusant ainsi son déséquilibre commercial vis-à-vis de l’Empire du milieu, jusqu’à ce qu’éclatent les guerres de l’opium.

Si lointaine et pourtant si proche

Il est étonnant de constater à quel point l’histoire de la Chine ou notre histoire commune est méconnue en France alors même que nous sommes le pays qui a « inventé » la sinologie. Selon Anne Cheng, professeur au Collège de France, spécialiste de l’histoire intellectuelle de la Chine, notre pays peut s'enorgueillir d'être la première nation européenne à avoir érigé les études sinologiques en domaine scientifique à part entière. Dès 1814, le Collège royal, ancêtre du Collège de France, créait la première chaire de chinois en Europe - la chaire de langue et littérature chinoises et tartares manchoues – confiée au philologue orientaliste Jean-Pierre Abel Rémusat. Au XVII° siècle, Louis XIV avait envoyé en Chine un groupe de jésuites, « les mathématiciens du roi » et c’est dès 1735 que le jésuite français Jean Baptiste du Halde, avait fait paraître sa Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, véritable encyclopédie sur la Chine. Après une véritable vague de sinomania, l’Europe a progressivement basculé dans la « sinophobie » à mesure que se développait le discours colonialiste de la fin du XIX° et du début du XX° siècle. La Chine est alors devenue un repoussoir, un « autre », différent et lointain.

En France, des événements tels que le « Sac du Palais d’été » perpétré par les troupes franco-britanniques en 1860, la lettre que Victor Hugo a écrite à ce sujet, l’histoire des guerres de l’opium ou des concessions étrangères restent largement inconnus. Certains Chinois constatent d’ailleurs avec amertume que si la France s’est excusée pour la plupart des périodes sombres de son passé, elle ne s’est jamais exprimée sur les actes commis au XIXème siècle. «Pour les Chinois, le XIXème siècle a été le siècle de l'humiliation, le XXème, celui de la libération, le XXIème sera celui de la revanche » résume Jacques Baudouin. Le souvenir de l’humiliation reste vivace, parfois entretenu. Depuis quelques années, les ventes d’œuvres d’art volées à l’époque des guerres de l’opium et de la colonisation, font l’objet de contestations et de dépôts de plaintes de la part des autorités chinoises compétentes qui en obtiennent parfois l’annulation.

L’histoire de nos relations bilatérales est méconnue. Qui, parmi le public non spécialisé, a conscience de l’influence de la « Révolution française » sur les élites chinoises au XXème siècle ? Qui sait que la France du Général de Gaulle a été l’une des premières à reconnaître la République populaire de Chine, ce qui nous a longtemps valu d’être considérés comme un « pays ami » ?

Vagues impressions de Chine

Un écrivain chinois du XIX° siècle considérait qu’il fallait posséder un esprit profond, un esprit large, un esprit pur et un esprit sensible, pour comprendre les Chinois et leur civilisation. Selon lui, les Français ont un esprit moins profond que les Allemands, moins large que les Américains, moins pur que les Anglais, mais ils sont beaucoup plus sensibles que tous les autres. Notre sensibilité suffit-elle à nous faire percevoir la Chine telle qu’elle est ? Face à un pays en perpétuel changement, notre vision n’est-elle pas trop souvent datée et encore largement partielle ?

La Chine ne laisse personne indifférent, qu’elle fascine ou qu’elle inquiète.  Les images que les Français se sont faits de ce pays immense et ses multiples facettes - son histoire, sa culture, son système politique, sa croissance fulgurante, sa place dans la mondialisation, son peuple - ont considérablement varié et continuent d’évoluer à mesure que la Chine se développe. Pourtant, il subsiste encore un important décalage entre la réalité chinoise et sa perception par les opinions publiques occidentales.

Dans de nombreuses langues, l’expression « c’est du chinois » renvoie à ce qui est incompréhensible, bizarre, excessivement subtil. Les clichés et les stéréotypes sur la Chine ont la vie dure ...

La Fondation Victor Segalen a mené fin 2011 une étude sur les perceptions croisées de nos deux pays. Les résultats mettent en lumière le manque de connaissance mutuelle et l’ambivalence des représentations. Si la Chine est perçue par les Français comme une grande puissance, elle reste peu attractive, voire inquiétante – seuls 18 % des sondés s’imaginent y vivre et 74 % des personnes interrogées estiment que l’économie chinoise est une menace. « A une Chine du passé, reconnue pour son histoire et sa richesse culturelle, s’oppose dans l’esprit des Français une Chine moderne, globalement menaçante par son dynamisme économique et son modèle politique jugé non démocratique (…) Si la Chine est perçue comme une grande puissance, elle apparaît avant tout comme un « partenaire forcé ».

L’enquête d’IFOP Asia confirme cette situation : « les Français semblent manquer de référence sur la Chine et en ont globalement un faible niveau de connaissance ». « Certains aspects tels que le développement du pays, son économie, son héritage culturel, sont davantage connus du grand public. Mais, au-delà de certains grands traits fortement associés à la Chine - le dynamisme, l’adaptabilité, l’organisation -, une vision concrète et tangible du pays tel qu’il est au quotidien semble manquer... »

Une enquête, plus empirique et personnelle, menée au cours des formations interculturelles que je dispense à de futurs expatriés français, m’a permis de dresser une liste des mots qui symbolisent le plus la Chine dans l’esprit des cadres envoyés en Chine :

Immense

C’est l’aspect qui semble le plus marquant, qu’il s’agisse de la taille du pays ou de sa population, la plus nombreuse au monde. En revanche, peu de Français savent que la Chine compte 56 ethnies.  La Chine, si diversifiée, apparaît très homogène vue de France. Nous imaginons une Chine unique alors que le pays abrite plusieurs « mondes ».

Croissance

Le dynamisme économique chinois, son développement mené à un rythme inconnu dans l’histoire de l’humanité a permis au pays de devenir, en quelques années seulement, la seconde puissance économique mondiale, en attendant d’être la première. Après avoir été l’atelier, puis l’usine du monde, elle se destine à en devenir le « laboratoire » et le plus grand marché, cette croissance stupéfiante est la principale caractéristique de la Chine contemporaine aux yeux des Français.

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Cuisine

La gastronomie chinoise est systématiquement citée par les participants. Ceux qui l’apprécient citent le thé, l’usage des baguettes, le riz, le canard laqué, les raviolis… D’autres – oubliant peut-être que la gastronomie française met à l’honneur les abats, les cuisses de grenouilles ou les escargots - semblent écœurés par certaines spécialités chinoises comme les œufs de cent ans, les pattes de poulet ou les langues de canard…

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Civilisation

L’histoire plurimillénaire chinoise, la Grande Muraille, les dynasties impériales, les inventions chinoises (boussole, porcelaine, soie…) font forte impression dans l’esprit des français. Nos deux pays ont un goût commun pour l’histoire et la culture.

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Sinogrammes 

La langue chinoise est à la fois source de vif intérêt et d’inquiétude pour les aspirants à l’expatriation. L’apprentissage du mandarin leur semble souvent insurmontable. La complexité de l’écriture, de la prononciation et les quatre « tons » sont, pour une grande part, à l’origine de l’impression d’étrangeté et de mystère qui entoure la Chine.

Communisme

La question des droits de l’homme et du système politique est la principale préoccupation des Français qui partent vivre en Chine.  « Comment la Chine peut-elle concilier communisme et capitalisme ? » est aussi l’une de leurs grandes questions.

Différente

C’est l’adjectif qui résume généralement toutes les impressions que les Français se font de la Chine. Pourtant, comme le déclare Zheng Ruolin dans son dernier ouvrage, les Chinois sont des hommes comme les autres. D’ailleurs, si les Français se montrent souvent critiques à l’égard de la Chine, ils ont une bonne image de son peuple, considéré comme travailleur et courageux.

 

 

Chacun sa Chine…

La Chine déroute car elle est un pays de contrastes et de contradictions et qu’elle vit, depuis son « ouverture », un incroyable bouleversement économique, social et culturel. Chacun a sa propre représentation. La Chine est devenue le miroir de nos aspirations ou de nos peurs. Elle fascine ou inquiète.

Le pouvoir d’attractivité de la Chine – son soft power - s’est renforcé ces dernières années. Les Français amateurs d’exotisme s’intéressent de plus en plus à sa cuisine et à ses traditions. Le Nouvel An chinois est devenu un événement très suivi dans les grandes villes françaises. Il est largement relayé par les médias. Les supermarchés proposent même un rayon spécial pour l’occasion.

Toutes les facettes de la culture chinoise trouvent un nouvel écho en France, qu’il s’agisse de la médecine traditionnelle (acupuncture, moxibustion, massages…), des sports (tai qi, qi gong) ou de l’art de la calligraphie. De nombreuses expositions prestigieuses sont consacrées à la Chine. Chaque année 500 000 touristes français visitent le pays et ses célèbres sites : Grande Muraille, Cité interdite, armée de Xian… Shanghai est devenue la nouvelle ville de la jet set, scène incontournable pour les artistes et créateurs, comme l’était New York au siècle passé.

La France est un des pays où l’apprentissage de la langue chinoise est le plus dynamique. Depuis les années 1950, les études chinoises en France sont passées du statut de discipline ésotérique et confidentielle pratiquée par quelques érudits au statut de discipline universitaire attirant des milliers d'étudiants. Depuis 2005, cette langue est devenue la cinquième enseignée en France et son succès s'amplifie. Plus de 30 000 élèves l’apprennent contre 9 000 il y a 10 ans. Son apprentissage démarre beaucoup plus tôt, dès la sixième, et même, dans certaines écoles, dès la maternelle !

Les jeunes Français n’hésitent pas à partir faire une partie de leurs études en Chine, à y faire des stages où à y débuter leur carrière, ils sont actuellement 6 000 dans les universités chinoises, un chiffre en constante augmentation. Au total, on estime que plus de 40 000 Français vivent aujourd’hui en Chine.

Si la Chine attire de plus en plus de jeunes Français,  elle cristallise aussi nos inquiétudes. Le « China bashing » n’est pas seulement une spécialité américaine. Il a pris le relais du sentiment antijaponais des années 1980 -1990. Cette hostilité revêt dans le cas de la Chine une dimension supplémentaire, idéologique, liée à sa dimension communiste. La Chine se trouve souvent accusée de tous les maux. Dans un contexte de forte dégradation de l’environnement économique international, l’hyper-développement chinois apparaît comme la cause de notre relatif déclin. L’autoritarisme du régime chinois, son non-respect des droits de l’homme, les failles du système, la corruption, la pollution et la situation précaire des oubliés de la croissance focalisent l’attention et l’intérêt des médias. Par conséquent, la représentation de la Chine en France est souvent partielle et incomplète. Les Français qui ont voyagé en Chine, qui y vivent et qui y travaillent ont une perception plus large, plus contrastée et généralement moins manichéenne que bien des reportages télévisés ou les multiples essais visant à dénoncer la « face cachée » du miracle chinois.

Le traitement médiatique de la communauté chinoise de France est, lui aussi, parcellaire et globalement négatif. Combien de reportages sur les mafias, les ateliers clandestins, les conditions d’hygiène dans les restaurants chinois, les appartements-raviolis…

Les Français d’origine chinoise et la diaspora chinoise en France, longtemps réputés pour leur discrétion, pâtissent d’une faible « visibilité » médiatique et d’un déficit de représentation publique. S’il y a peu de « stars » d’origine chinoise en France, les célébrités de la Chine contemporaine sont généralement inconnues dans notre pays.

Quant aux entreprises et aux marques chinoises, elles souffrent également d’un déficit de notoriété. Seules Tsingtao, et dans une moindre mesure, Lenovo, Haier et ZTE semblent assez bien identifiées.

« Rien ne serait plus trompeur que de juger la Chine selon nos critères européens » jugeait le comte Macartney, cité par Alain Peyrefitte dans L’Empire immobile ou Le choc des mondes. Pourtant nous la jugeons encore trop souvent selon nos propres standards et références. Le changement de perception proviendra de l’accroissement des contacts – touristiques, professionnels, universitaires...- et nécessitera aussi certainement l’augmentation dans les programmes scolaires français de la part, aujourd’hui infime, consacrée à l’enseignement de l’histoire, de la géographie et des grands courants philosophiques chinois.

Assurément, les prochaines commémorations du cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays permettront de rappeler la longue histoire qui nous lie et l’importance de nos influences mutuelles.

 

 

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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 10:51

Cette réforme, la 7ème en 30 ans, est un signal fort envoyé par la nouvelle équipe dirigeante.

Les fusions et restructurations qui viennent d'être annoncées affichent les priorités du gouvernement chinois :

- renforcer la cohésion de l’action administrative dans les secteurs stratégiques,

- réduire l'intervention de l'Etat sur les marchés

- et répondre à certaines préoccupations sociales.


Suite à de nombreux scandales, la qualité des produits alimentaires et sanitaires est l'une des principales préoccupations du peuple chinois. L'administration des produits alimentaires et pharmaceutiques verra donc son rang et son pouvoir augmentés par la réforme.


Dans un contexte de tensions persistantes en Mer de Chine orientale et méridionale, le bureau des affaires océaniques se voit confier le commandement unifié des services maritimes de surveillance et de contrôle (gardes côtes, pêche, douanes).


L'administration de l'énergie, secteur si stratégique pour le développement de la Chine, sera restructurée.


Les deux administrations chargées de la supervision des médias fusionneront (la GAPP : presse et publications et le SARFT: radio, films et télévision) tandis que l'administration - contestée - du planning familial sera intégrée au Ministère de la santé. 

 

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Ces réformes visent à rationaliser l'administration, à la rendre plus efficace pour permettre à la Chine de faire face à ses nombreux défis mais aussi à supprimer les freins à la réforme en brisant certains monopoles et en fusionnant certaines agences. Le changement le plus marquant à cet égard est certainement le démantèlement du Ministère des Chemins de fer, lourdement endetté et fortement critiqué pour sa gestion et sa corruption.

Plus principes sont à l'œuvre dans cette réorganisation :


- La subsidiarité. Le gouvernement chinois entend ne plus se préoccuper de "micro-problèmes" mais se concentrer sur l'organisation et l'efficacité des services publics et laisser au marché les activités qui ne sont pas directement de son ressort. La séparation des activités commerciales, confiées à China Railway Corporation, et de la branche administrative qui sera supervisée par le Ministère des transports va dans le sens d'une redéfinition du périmètre d'intervention de l'Etat et de son rôle par rapport au marché. 


- L'efficacité. Il s'agit de rationaliser l'organisation administrative pour éviter les chevauchements de compétences et les doublons, de constituer de grands ministères pour éviter l'éparpillement et répartir clairement les pouvoirs et les responsabilités.


- La responsabilité. Par cette réorganisation institutionnelle et fonctionnelle, la nouvelle équipe dirigeante affiche sa volonté de réformer et de tirer les leçons du passé (corruption, lourdeur administrative, abus de pouvoir, scandales sanitaires, mélange des genres entre affaires et politique…).

Ces ajustements techniques sont certainement nécessaires, le peuple chinois attend maintenant la mise en œuvre des réformes de fond qui ont été annoncées.

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 11:47

3- Cyber espace, nouveau terrain d’affrontement entre deux modèles 

 

La Chine a toujours nié être responsable de cyber-attaques[1], elle affirme au contraire qu'elle en est la première victime[2]. Le ministre de la Défense chinois, Liang Guanglie (梁光烈), a déclaré lors d’un forum sur la sécurité qui s’est tenu à Singapour en juin 2011, que Pékin "se tient fermement contre toutes sortes de crimes cybernétiques"[3]. Pourtant, les tensions s’exacerbent sur le cyber-front, s’apparentant parfois à une véritable « guerre froide »[4].

 

La crise dite des « sub-primes » qui a débuté aux États-Unis dès l’été 2007 puis la crise financière mondiale qui a suivi, ont été l’élément déclencheur d’un nouveau rapport de force entre les États-Unis et la Chine. Le 6 août 2011, la Chine par l’intermédiaire de son agence de presse officielle Xinhua, condamnait « l’addiction aux dettes » et les « querelles politiques [de Washington] qui manquent de vision à long terme »[5]. La Chine ne cache désormais plus son aspiration de contrebalancer, ou de dépasser, la puissance étatsunienne.

Le cyberespace représente désormais un enjeu géostratégique et politique clé, notamment dans le contexte asiatico-pacifique où les revendications chinoises s’opposent de plus en pus ouvertement aux intérêts américains et à ceux de ses partenaires de Taïwan et de Mer de Chine méridionale[6]. La course aux armements non conventionnels, susceptibles de viser les  « points vitaux »[7], fait craindre au Secrétaire à la défense américaine Leon E. Panetta « un second Pearl Harbor (qui) pourrait très bien provenir d’une cyberattaque estropiant nos systèmes d’alimentation, d’électricité, de sécurité et de financement. »[8].

 

La nature même du cyberespace - sa géographie aux délimitations floues ainsi que l’incapacité des Etats à prévoir les attaques -  rend difficile voire impossible de retracer l’origine des attaques. Selon la revue semestrielle 2010 de la défense américaine, « la vitesse des cyber-attaques et l'anonymat qui règne au sein du cyberespace favorise grandement ceux derrière l'infraction. Cet avantage est d’autant plus important que les outils de piratage sont davantage bon marché et plus faciles à employer par des adversaires dont les compétences sont très sophistiquées[9] ». Pour les analystes américains, la nature des attaques en provenance de Chine serait toutefois reconnaissable en raison de leur volume et de leur niveau de complexité qui ne peuvent pas avoir lieu sans le soutien du gouvernement chinois[10]. L’Empire du Milieu a ainsi été pointé du doigt à maintes reprises par les Etats-Unis pour avoir infiltré les infrastructures américaines quelles qu’elles soient – militaires (Pentagone), industrielles (Google) ou économiques (Chambre de Commerce).

 

Parmi les pays impliqués activement dans cyberespionnage, la Chine est loin d’être unique, mais elle est la seul susceptible d'être un concurrent militaire des Etats-Unis, ce qui explique la préoccupation, voire l’obsession, américaine sur le sujet. « Dans la période actuelle de l’âge informatique, la République populaire de Chine a remplacé et même devancée les méthodes russes d’espionnage industriel, au point que la République populaire de Chine constitue à ce jour une des menaces les plus importantes pour la technologie américaine de leadership et, par extension, sa sécurité nationale[11]». Face à cette menace, réelle ou surévaluée, les Etats Unis renforcent leur arsenal de cyber-défense et de réplique. En juillet 2011, un document publié sous la direction du Ministère de la Défense américain (DoD) présentait la stratégie américaine : « tirer avantage du cyberespace ; établir de nouveaux concepts de protection des réseaux ; mettre en place un partenariat interministériel, inter-agences et public-privé ; construire un système de sécurité collective dans le cyberespace ; développer les capacités technologiques et humaines pour opérer dans le cyberespace »[12]. Selon le Président Barack Obama, la réaction américaine doit intervenir dans trois domaines : la diplomatie, la défense et le développement économique[13].

 

Le conflit entre les Etats-Unis et la Chine au sujet du cyberespace s’apparente à une guerre idéologique entre le modèle libéral américain qui revendique et défend le principe de liberté d’accès a internet comme liberté individuelle et collective[14] ainsi que comme moyen de développement économique d’un côté ; et le modèle chinois de l’autre qui voit dans la posture américaine une volonté d’endiguement contre laquelle il faut lutter en affirmant son indépendance[15]. Les analystes chinois rappellent ainsi que ce sont les Etats Unis qui ont été les premiers à créer un cyber commandement et donc à militariser le cyberespace.

Que ce soit pour la défense, l’attaque ou la dissuasion, la cyber-technologie est désormais un instrument central de la compétition entre les deux premières puissances mondiales.

 

De la guerre froide à la coopération ?

 

« La République populaire de Chine a émergé comme une puissance mondiale des technologies de l'information et des communications »[16].  Si elle est encore loin de l’hégémonie en la matière, elle met tout en œuvre pour combler son retard dans un effort de rattrapage intense, en termes financiers et humains, pour devenir une « Cyber China [17]».

Comme dans d’autres secteurs, cette émergence est de nature à remettre en cause les équilibres mondiaux et pose un certains nombres de défis aux puissances installées. Pour éviter un affrontement direct, qui serait préjudiciable à tous, tant les réseaux sont aujourd’hui interconnectés, la coopération est nécessaire. Mais cette notion n’a pas le même sens pour tous.

En novembre 2010, Gu Jian, chef de la sécurité des réseaux au Ministère chinois de la sécurité publique, a proposé que la Chine et les Etats Unis coopèrent dans les cas de « double criminalité », c’est à  dire quand les actes commis sont illégaux dans les deux pays. Ce qui ne résoudrait qu’une partie du problème puisque les critiques américaines visent moins le cyber-crime que le cyber-espionnage. Une autre proposition vise à permettre la communication entre les parties en cas de crise afin d’éviter une escalade. Une cyber hotline pourrait être mise en place entre Washington et Pékin. Ce ne serait qu’un premier pas, symbolique, mais qui permettrait de déterminer si les Chinois sont en mesure de fournir une réponse rapide et coordonnée[18]. Récemment, plusieurs exercices de « cyber war-games » auraient même été organisés entre les responsables chinois et américains, par le CSIS, un  think-tank de Pékin et le China Institute of Contemporary International Relations[19].

 

Le cyberespace est le lieu d’expression des nouveaux rapports de force et la bataille pour la maîtrise du cyber-monde ne fait que commencer.



[1] Shady Rat, Night Dragon, Operation Aurora... provenaient d’une adresse IP chinoise, ce qui ne signifie pas   

forcément qu’elles venaient de Chine. Voir à ce sujet, l’article de Li Xiaokun, "Defense Ministry denies cyber

attack support," China Daily, 25 février 2010 : http://www.chinadaily.com.cn/china/2010-

02/25/content_9502911.htm.

[2] Selon le Quotidien du peuple (mars 2012), la Chine serait devenue la principale victime mondiale des cyber-attaques, 10 593 sites Internet chinois ayant été contrôlés depuis l'étranger par le biais de 11 851 adresses IP, selon un rapport sur la sécurité du réseau.

Environ 47 000 adresses IP étrangères ont été impliquées dans des attaques contre 8,9 millions d'ordinateurs chinois l'année dernière.

La plupart des attaques sont venues du Japon (22,8 %), suivi de près par les États-Unis (20,4 %) et la Corée du Sud (7,1 %).

Un peu plus tôt cette année, les experts chinois ont appelé à un renforcement de la gestion de la sécurité sur Internet et à l'adoption d'une nouvelle législation après que des cyber-attaques aient entraîné la fuite de plus de 6 millions de comptes et de mots de passe d'utilisateurs sur le plus grand site internet de programmation chinois, China Software Developer Network (RPSC).

[3] Voir la vidéo réalisée à cette occasion par l’IISS (International Institute for Strategic Studies) :http://www.youtube.com/watch?v=S_o59Xxr-hg

[4] Guerre froide entre Etats-Unis et Chine ? La cyberstratégie américaine ou « la menace fantôme », CEIS,

28/03/12. http://www.ceis.eu/fr/management-des-risques/actu/guerre-froide-entre-etats-unis-et-chine-la-

cyberstrategie-americaine-ou

[5]www.alliancegeostrategique.org consulté le 3 juin 2012.

[6]Voir à ce sujet l’article d’Hillary Clinton, « America’s pacific century », Foreign Affairs, nov. 2011. http://www.foreignpolicy.com/articles/2011/10/11/americas_pacific_century?page=full

[7]点血 Dian xue

[8] David E. Sanger, Mutually Assured Cyberdestruction ?, Sunday Review, New York Times, 2 juin 2012.

[9] Magnus Hjortdal, China’s Use of Cyber Warfare : Espionage Meets Strategic Deterrence, in Journal of Strategic Studies, Volume IV, Issue 2, 2011, p. 1-24.

[10] Josh Rogin, Cyber officials : Chinese hackers attack ‘anything and everything’, www.fcw.com, février 2007.

[11] Magnus Hjortdal, Ibid.

[12] Department of Defense Strategy for Operating in Cyberspace, 2011.

[13]International Strategy for Cyberspace, May 2011.

[14] Voir le discours d’Hillary Clinton en janvier 2010 au moment de l’affaire Google, évoquant le « rideau de fer » qui s’est abattu sur une partie du monde ou le consensus entre Démocrates et Républicains sur la question du soutien aux cyberdissidents chinois.

[15]« Cold War mentality' drives US cyber plan » China Daily, 23 avril 2009 :

http://www.chinadaily.com.cn/world/2009-04/23/content_7707135.htm

[16] « The Chinese People’s Liberation Army Signals Intelligence and Cyber Reconnaissance Infrastructure », Mark A. Stokes, Jenny Lin and L.C. Russell Hsiao, Project 2049 Institute,  11 Novembre  2011, p 2.

[17]Titre du dernier ouvrage du romancier Qiu Xiaolong, 2012

[18]L’organisation des cyber affaires, côté chinois, étant particulièrement complexe, l’une des questions est de savoir qui décrocherait la cyber hotline! Souvenons nous de l’incident de l’EP-3, en avril 2001, et de l’absence de réponse chinoise due à un manque de coordination ou de leadership clair entre le Ministère des Affaires étrangères et l’APL .

[19]http://www.guardian.co.uk/technology/2012/apr/16/us-china-cyber-war-games

 

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 11:44

Le centre de gravité d’internet, comme celui de l’économie mondiale, se déplace vers la Chine. Et ce n’est qu’un début. Selon l’agence

Xinhua, « la Chine vise à (…) porter le nombre total d'internautes à 800 millions d'ici 2015 (…) [et] le nombre total d'abonnés 3G dépassera 450 millions»[1].
Plus de 500 millions de Chinois utilisent déjà Internet, pour se divertir, faire des achats, s’informer. Plus de la moitié d’entre eux s’expriment et partagent leurs avis sur les réseaux sociaux et les sites de micro-blogging[2], véritables caisses de résonnance et de cristallisation de l’opinion publique.

En mars 2012, à quelques mois du XVIIIème congrès du Parti communiste, la chute de l’"étoile rouge" de Chongqing, le très médiatique et charismatique Bo Xilai, a enflammé le web chinois. Face à la multiplication des commentaires critiques et à la propagation de rumeurs de coup d’Etat militaire, les autorités ont rapidement pris des mesures supplémentaires de « contrôle de l'information » : fermeture de certains sites internet, censure accrue et, même, instauration d’un permis à points sur Weibo[3].

Internet a certes contribué à changer la Chine mais la Chine entend aussi, de son côté, changer le monde des nouvelles technologies de l’information en façonnant un  cyberespace « aux caractéristiques chinoises » et en l’utilisant au profit de sa montée en puissance.

Pourquoi le cyber-espace est-il aussi stratégique pour la Chine? Est-elle un « cyber-dragon » ? Y a-t-il, en Chine, une doctrine et des pratiques spécifiques dans ce domaine ? Le cyberespace n’est-il qu’un autre champ de bataille entre les grandes puissances ?

 

1- Un cyberespace « aux caractéristiques chinoises »

 

La volonté de constituer un cyberespace sino-centré répond aux préoccupations politiques et économiques de l’Etat-parti chinois.

 

Pour maintenir le statu quo politique et social[4], l’Etat contrôle l’information et censure Internet avec son « great firewall »[5]. La Chine veut à la fois se protéger des influences extérieures[6] et des risques intérieurs (dissidence, séparatisme…), en filtrant toute information nuisible. Le système fonctionne par autorégulation des fournisseurs d’accès (auto-censure), par un système de filtrage automatique de mots clés et avec la surveillance de près de 50 000 policiers du web.  C’est le Ministère de la Sécurité publique et ses bureaux locaux  qui sont chargés de faire appliquer la réglementation, qui ne cesse de s’affiner[7]. Les autres entités gouvernementales impliquées dans la gestion d’internet sont le Ministère de l’Industrie et des technologies de l’information, le SARFT (l’administration d’Etat pour les médias : radio, cinéma et télévision), l’administration de la presse et le Ministère du commerce. Le contrôle s’est accentué depuis plusieurs mois.  En février 2012, l’opération « brise de printemps” a conduit à plus de 1000 interpellations, 200 000 courriers ont été « harmonisés » et  des centaines de sites ont été fermés[8].

Malgré cet arsenal, compte tenu de la taille actuelle des réseaux, de l’inventivité et de la technicité des internautes, les autorités ne parviennent plus totalement à empêcher le contournement de leurs barrières numériques[9]. Une société civile émerge sur les sites de miccroblogging et les forums, elle se mobilise et réagit face aux drames  (séisme du Sichuan, accident de TGV…) ou aux événements qui soulignent les défauts du système (inégalités, injustice, corruption, manque de transparence, matérialisme grandissant…).

 

Le contrôle du cyberespace chinois répond aussi à des préoccupations économiques et commerciales. Il s’agit dans ce cas, de permettre aux sites internet chinois de se développer à l’abri de la concurrence occidentale[10] et de transformer les entreprises de télécommunications (Huawei, ZTE) et d’informatique en leaders mondiaux, grâce une politique active de formation, de recherche et de développement et à la promotion de « standards chinois ».

Si le décollage économique chinois a été rendu possible par des stratégies d’ « imitation » et par transferts de technologies - à travers des acquisitions d’entreprises étrangères, la sous-traitance[11]  ou des co-entreprises[12] - la période actuelle est marquée par la volonté de devenir le « laboratoire du monde » et de ne pas dépendre des autres pays pour les technologies jugées stratégiques[13]. La Chine ambitionne de devenir une nation innovante en 2020 et un pouvoir scientifique mondial en 2050[14]. Le plan gouvernemental, dit Programme 863 de 1986[15] visait déjà à rendre l'industrie chinoise financièrement indépendante de la technologie étrangère.

La Chine vise à contrebalancer l’hégémonie américaine en développant ses propres normes et standards et en promouvant au sein des instances internationales le rééquilibrage de la gouvernance d’internet. La Chine est davantage présente et active au sein des instances internationales de régulation et de normalisation qu’il s’agisse de l’ISO (International Organization for Standardization)[16], de l’IETF (Internet Engineerinf Task Force), de l’Icann, de l’AFNOR ou de l’UIT (l’Union internationale des télécommunications) prônant au travers de ces différentes organisations davantage de coopération au sein du cyberespace, d’échange de stratégies et d’information et une charte universelle de bonne conduite[17]. En septembre 2011, lors de la 66ème session de l’assemblée générale des Nations Unies, la Chine, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan ont proposé un code de bonne conduite sur internet[18]. Ce projet qui n’évoque pas le cyberespionnage, défend les principes d’intégrité territoriale et de souveraineté, si essentiels pour la Chine[19]. Wang Qun, l’ambassadeur chinois en charge des affaires de  désarmement, a indiqué à cette occasion que « les pays devraient œuvrer pour empêcher que l'information et le cyberespace ne deviennent un nouveau champ de bataille, empêcher une course aux armements au niveau de l'information et d'Internet, et résoudre les conflits sur ce front de manière pacifique en dialoguant ». Selon ce porte parole du gouvernement chinois, les pays développés doivent « aider les pays en voie de développement  à renforcer leur capacité en matière de technologies de l'information et d'Internet et  à combler la division numérique »[20].  Les cinq principes mis en avant sont la paix, la souveraineté, l'équilibre entre la liberté et la sécurité des flux d'information, la coopération et le développement équitable[21].

Dans les années 2000, la Chine a tenté de promouvoir son propre standard Wifi, le protocole de sécurité WAPI, avec l’appui de Lenovo et de Huawei. Le WAPI a été rejeté en 2006 par l’ISO (International Organization for Standardization) à une large majorité, au profit de la norme américaine 802.11i.  La Chine, se jugeant victime du lobbying occidental, a décidé d’utiliser son standard sur son marché intérieur. Concernant la question des noms de domaines sur Internet, la Chine dispose de sa propre architecture avec des noms de domaine constitués d’une série de chiffres, ce qui permet au réseau de fonctionner de manière autonome et, beaucoup plus révolutionnaire, en 2010, l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) a approuvé l’attribution de noms de domaines (de premier niveau) en caractères chinois[22]. Un pas supplémentaire vers la sinisation du cyberespace.

 

 

2- De la théorie à la pratique : les spécificités de la cyber stratégie chinoise

 

L’information est devenue, au XXIème siècle, l’un des axes du pouvoir. La stratégie chinoise dans ce domaine vise à répondre aux trois objectifs fondamentaux que sont la sécurité, l’unité et la souveraineté. Le développement économique étant le moyen d’assurer ces ambitions[23].

Alors que la Chine était passée à côté de la révolution industrielle du XIXème siècle, elle entend jouer un rôle actif dans la révolution des technologies de l’information. Malgré un retard certain et une prise de conscience récente, la Chine, qui s’est peu à peu dotée de sa propre doctrine et d’une organisation dédiée impliquant des acteurs très divers (armée, universités, entreprises, individus[24]), mise sur ces nouvelles technologies pour mieux jouer sa partition dans le concert des nations.

 

La guerre du Golfe, avec l’opération « Tempête du désert » de 1991, a agit comme un révélateur de la supériorité technologique américaine et du retard chinois[25]. La Chine a alors décidé de miser sur le cyberespace pour compenser son déficit dans la guerre conventionnelle. Considérant qu’elle avait beaucoup à gagner dans le développement de ses capacités cybernétiques, en termes de dissuasion (limiter les pressions politiques et militaires extérieures) et de modernisation (militaire et industrielle).

 

La doctrine d’infoguerre chinoise s’est d’abord fortement inspirée de la conception américaine, de sa terminologie et de ses définitions. Elle l’a ensuite sinisé en intégrant les concepts de « guerre asymétrique [26]» (guérilla maoïste) ou des stratagèmes anciens, inspirés du « weiqi »[27] (guerre de territoires, stratégies d’encerclement), de l’Art de la guerre et des Trente-six stratagèmes.

Les théoriciens précurseurs, les pères de l’infoguerre chinoise, sont Shen Weiguang[28],  le général Wang Pufeng[29] et le colonel Wang Baocun[30]. Leurs ouvrages se concentrent principalement sur la notion de « contrôle de l’information ».

Leurs successeurs, issus principalement de l’Université de la défense nationale (中国人民解放国防大学) et de l’Académie de Sciences militaires (事科学研究院), donneront ensuite une définition à la fois plus large (impliquant tous les champs : économique, culturel, scientifique, social, technologique) et plus détaillée de la guerre de l’information. Ils en préciseront la nature (offensive ou défensive), les niveaux (stratégique, tactique) et les formes (selon qu’on agisse en temps de paix, de crise ou de conflit). Les armes « non conventionnelles » mise en œuvre vont de la dissuasion à l’attaque (ou à la contre-attaque), en passant par « l’exploitation des informations ».

 

En 1999, La guerre hors limites (超限) écrit par deux colonels de l’APL, Qiao Liang () et Wang Xiangsui (王湘穗) a popularisé le concept de « guerre totale »[31]. La Chine ne pouvant sortir victorieuse d’une confrontation militaire directe avec un adversaire aussi technologiquement dominant que les Etats Unis, les auteurs préconisent d’emprunter d’autres voies, la guerre économique et la guerre de l’information. Ils estiment que les financiers et les experts informatiques seront les « acteurs de premier ordre dans les guerres du futur ». L’objectif est de « forcer l’ennemi à se rendre sans combattre grâce à la supériorité de l’information »[32].

 

L’objectif d’ « informatisation »[33] figure dans les livres blancs sur la politique de défense depuis 2006. Dans le plan de développement de l’informatisation (2006-2020), publié par le Bureau général du Comité central du PCC et le Bureau général du Conseil d'Etat, l' « informatisation » des infrastructures civile et militaire est érigée en « priorité pour assurer une croissance économique soutenue, devenir compétitif dans ce domaine à l’échelle internationale et veiller à la sécurité nationale »[34].

 

La « guerre des réseaux » est devenue une priorité et Internet est «un champ de bataille crucial »[35].  Selon le Colonel Ye Zheng (叶征) et Zhao Baoxian  (趙寶獻), deux officiers de l’Académie des sciences militaires, "un Internet libre [est ] comme une menace pour le Parti-Etat ​", car il risque d’être utilisé par des forces hostiles comme outil de guerre psychologique à destination de l’opinion publique. "Tout comme la guerre nucléaire a été la guerre stratégique de l'ère industrielle, la cyber-guerre est devenue la guerre stratégique de l'ère de l'information, c’est une forme de combat massivement destructrice, qui porte sur la vie et la mort des nations[36]."  

 

Pour passer de la théorie à la pratique et répondre à cet enjeu de maîtrise des flux d’informations et de conquête de la supériorité dans ce domaine[37], une organisation et une stratégie multi-acteurs ont été mises en place.

Une « Cyberbureaucratie »[38] a été constituée au sein de l’état-major de l’APL, avec pour mission d’exploiter les informations, d’assurer la cyber-défense et les cyber-attaques[39]. Le cœur de cette organisation est le 3ème Département, chargé de l’interception et de l’écoute des signaux électromagnétiques[40], c’est à dire du renseignement électronique, un rôle équivalent à celui de la National SecurityAgency américaine (NSA). Le 4ème département, créé en 1990, complète l’action du précédent. Il est chargé des missions d’infoguerre (contre-mesures électroniques et radars : 抗与雷). En juillet 2010, l’APL a inauguré une « base (défensive) de sécurité de l’information »[41], qui pourrait être le centre du cyber commandement chinois et une « armée bleue »[42], d’une trentaine d’experts, située dans la région militaire du Guangdong[43], veille à la sécurisation du cyberespace chinois.

L’APL dispose, en outre, de plusieurs instituts de recherche, spécialisées dans les super-ordinateurs, la communication satellitaire ou les technologies de sécurité de l’information[44], et entretient des liens privilégiés avec des nombreuses universités [45]. On se souvient qu’au moment de l’affaire Google, les universités Jiatong et Lanxiang Vocational School avaient été considérées par les Américains comme les sources de l’attaque.

Des « hackers » ou « honkers », corsaires informatiques chinois opérant en « électrons libres » ou au sein d’organisations « patriotiques » (Red Hackers of China, China Eagle Union, Green Army Corps ou Honkers Union of China) peuvent appuyer en cas de besoin cette organisation officielle, conformément à la théorie maoïste de « guerre du peuple »[46].

Enfin, les grandes entreprises du secteur entretiennent des liens étroits avec l’APL[47] comme le montre l’organigramme de Huawei. Son fondateur et Président, Ren Zhengfei,  fut un ingénieur de l’armée tandis que sa directrice Sun Yafang vient du Ministère de la Sécurité.

La dimension cybernétique  s’inscrit désormais au cœur de la stratégie de puissance chinoise, avec une composante « symétrique » (ses forces régulières) et une composante « asymétrique » (universités civiles, sociétés commerciales, honkers…)[48].

 

L’attitude chinoise contribue à renforcer ce sentiment de menace. Tout en réfutant en bloc les accusations américaines[49], elle soulève parfois le voile sur ses activités, pour flatter le sentiment nationaliste[50] ou dissuader ses rivaux. Un documentaire diffusé le 16 juillet 2011 sur CCTV 7, la chaîne publique consacrée à l’armée, montrait des soldats chinois utilisant un logiciel de cyberattaque contre une antenne de Falungong, située dans une université américaine. Certes, il s’agissait d’une illustration assez grossière (avec notamment un gros bouton « attaque » sur l’écran) et datée des capacités chinoises en la matière, mais le fait de diffuser à la télévision un programme intitulé “La cyber tempête est arrivée” (暴来了, Wǎngluò fēngbào láile) montre que la fameuse maxime de Deng Xiaoping, «garder un profil bas et réaliser quelque chose» (光养晦有所作) est désormais dépassée[51]

.



[1]

Plan de développement d'internet et plan de développement pour le secteur des communications pour 2011-2015, publiés par le ministère de l'Industrie et des Technologies de l'information (MITI).

Dépêche Xinhua, 6 mai 2012, http://french.peopledaily.com.cn/Culture/7808764.html

[2] Sina Weibo est le principal site de micro-blogging en Chine avec 200 millions d’utilisateurs, il est l’équivalent chinois de twitter.

[3] Autre affaire retentissante de 2012, l’évasion spectaculaire de Chen Guangcheng, a elle aussi eu un écho particulier sur internet. Quelques jours après s’être enfui de la résidence où il était assigné pour avoir dénoncé les excès de la politique de l’enfant unique, l’avocat publiait sur internet une vidéo de quinze minutes, adressée au premier ministre Wen Jiabao, dénonçant les abus dont sa famille et lui avaient été victimes.

[4] Les dirigeants chinois ont notamment été marqués par l’exemple des révolutions arabes dans lesquelles les nouveaux médias ont joué un rôle déterminant.

[5] La grande muraille du net.

[6] Discours de Hu Jintao octobre 2011 contre « l'occidentalisation » de la Chine, cité par le magazine du Comité central du PCC, Qiu Shi. Des forces étrangères "hostiles" viseraient à diviser la Chine en propageant leurs valeurs et leur culture, notamment à travers des sites internet en Chinois, comme celui de Falungong.

[7]Ainsi, le « Plan pour le développement des enfants chinois » (2011-2020) qui vise à « assurer un environnement de l’Internet sain pour les enfants » en mettant en place des logiciels spéciaux pour filtrer toute information nuisible et à « éviter la cyberdépendance », prévoit aussi d’accentuer « les efforts pour lutter contre les cybercafés illicites ».

[8] http://www.chinadaily.com.cn/china/2012-03/31/content_14962187.htm

[9] Les VPN et proxies permettent de « franchir le mur » : ” fān qiang 

[10]Baidu, Weibo, Renren, Kaixin001, Pengyou (Tencent), 51.com, QQ, Youku…, versions sinisées de Google, Twitter, Facebook, Myspace ou Youtube

[11] C’est le cas d’Apple dont les produits sont fabriqués par Foxconn, ou de Dell dont les bureaux de R&D sont à Shanghai.

[12] La création d’une joint-venture est généralement conditionnée par un transfert de technologie de la partie étrangère à la partie chinoise.

[13] Lire à ce sujet « Made by China », les secrets d'une conquête industrielle, Jean-François Dufour, Dunod, février 2012

[14] Publication en 2006 du « Medium to long term plan on science and technology » (MLP).

[15] http://www.most.gov.cn/eng/programmes1/200610/t20061009_36225.htm

[16]Elle dispose de 30 postes dans cette instance alors qu’elle n’en avait aucun il y a 10 ans.

[17] Cyber cooperation needed, China Daily, 22 novembre 2001.

[18] China, Russia and Other Countries Submit the Document of International Code of Conduct for Information

Security to the United Nations. 2011/09/13 (http://nz.chineseembassy.org/eng/zgyw/t858978.htm)

[19] « Le but de ce présent code est (…) de s ‘assurer que les technologies de l’information et de la communication, incluant les réseaux, soient utilisées uniquement au profit du développement économique et social et du bien être du peuple, avec l’objectif de maintenir la stabilité internationale et la sécurité. »

[20] Dépêche Xinhua 21 octobre 2011

[21] Ce positionnement, de « porte voix des Suds » rappelle celui de la Chine, qui se définit encore comme le plus grand des pays en développement, sur la question de la protection de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique.

[22] Mais aussi en arabe, coréen et cyrillique. Voir à ce sujet :   http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-nouveaux-noms-de-domaine-l-icann-demarre-son-big-bang-47368.html

[23] Sur ce sujet, voir l’analyse de Eric de La Maisonneuve dans son ouvrage « Chine, l’envers et l’endroit », éditions du Rocher 2012.

[24] De jeunes chinois férus d’informatique « jouent les hackers ». Certains d’entre eux se regroupent dans des organisations, dites patriotiques, pour servir les intérêts nationaux.

[25]Le bombardement de l’Ambassade de Chine à Belgrade, le 7 mai 1999, visé par un missile de croisière, a accéléré cette prise de conscience.

[26]La guerre asymétrique vise à dépasser le désavantage technologique par des tactiques de dissimulation. Le plus faible doit prendre l’initiative de l’attaque car l’adversaire est plus vulnérable dans la phase de déploiement initiale.

[27] Contrairement au jeu d’échecs en occident qui repose sur l’utilisation de la force et vise à tuer le roi, le jeu de weiqi a pour but de dominer l’espace, de constituer des territoires, d’encercler les pièces de l’adversaire pour les capturer. Voir notamment les pages consacrées par Henry Kissinger sur le sujet dans son dernier ouvrage On China, p24.

[28] Il a publié en novembre 1995 un article intitulé « Introduction to Information Warfare” dans le Quotidien de l'Armée populaire de Libération puis « On New War» en 1997. « Information warfare is a war in which both sides strive to hold the battlefield initiative by controlling the flow of information and intelligence. This initial definition did not address information superiority or information operations, just control. Instead of protecting friendly information systems and attacking enemy systems, as the U.S. defines the term, Shen emphasized protecting oneself and controlling the enemy ». On New War, (Xin zhanzheng lun), Beijing, Renmin chubanshe, 1997.

[29] « Information Warfare and the Revolution in Military Affairs » (信息战争与军事革命) 1995..

[30]"A Preliminary Analysis of Information War" publié dans le journal de l’Académie des sciences militaires,  1997.

[31] Qiao Liang et Wang Xiangsui, Unrestricted Warfare, Beijing, PLA Literature and Arts Publishing House, 1999

[32]Shen Weiguang, 1999. Cité par Timothy Thomas « Like adding wings to the tiger », Military Intelligence Professional Bulletin, Juillet-Sep2003, Vol. 29 n° 3, p 22.

[33]信息化 Xìnxī huà

[34] Au sujet de ce Plan de développement, voir : http://english.peopledaily.com.cn/200605/09/eng20060509_264184.html 

[35] China Youth Daily, journal de la ligue de la jeunesse communiste cité par Reuters, 3 juin 2011.  

[36] Source : China Youth Daily : "Just as nuclear warfare was the strategic war of the industrial era, cyber-warfare has become the strategic war of the information era, and this has become a form of battle that is massively destructive and concerns the life and death of nations". « "Cyberware is an entirely new mode of battle that is invisible and silent, and it is active not only in wars and conflicts, but also flares in the everyday political, economic, military, cultural and scientific activities."

[37]« Information dominance » : 制信息权 zhixin xiquan 

[38]Cette « armée du net », à la fois offensive et défensive, est une force spéciale, distincte des forces terrestres, maritimes et aérienne.

[39] James Mulvenon, "PLA Computer Network Operations: Scenarios, Doctrine, Organizations, and Capability"

[40]« Interceptions de communication sans fil, de communications par satellite, cyber surveillance, analyse du trafic, sécurité du réseau, cryptage et décryptage, traduction et analyse politique, militaire et économique » Project 2049. Cette compétence dérive du cœur de métier traditionnel du 3ème département (Zongcan Sanbu), l’interception et le décryptage de télégrammes et communications radio ou « signals intelligence » (SIGINT). Voir Les services secrets chinois : de Mao aux JO, Roger Faligot, 2008

[41]中国人民解放信息保障基地. Voir à ce sujet : http://military.globaltimes.cn/china/2010-07/554647.html

[42] Mai 2001, Geng Yansheng,  porte-parole du Ministère de la Défense. http://french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/7391437.html

[43]L’une des cinq régions militaires chinoises avec celles de Jinan, Lanzhou, Chengdu et Pékin.

[44] Jiangnan Computer Technology Research Institute [江南科技研究所], à Wuxi, Jiangsu ; Southwest Institute of Electronics and Telecommunications Technology [西南信技研究所], à Chengdu, Sichuan ; Southwest Automation Research Institute (SWAI) [西南自化研究所], à Mianyang , Sichuan.

[45] Science and Engineering University (解放子工程学院) dans le Hefei ; Information Engineering University ([解放信息工程大学) à Zhengzhou, Henan ; National University of Defense Technology à Changsha ; Communications Command Academy à Wuhan …

[46]La Chine dispose également d’une armée de réserve de 1,5 million de personnes. Certains de ces réservistes, comme dans le district de Echeng (Hubei) suivent des exercices d’entraînement à la « guerre de l’information ».

 

[48] Timothy L. Thomas « Like Adding Wings to the Tiger : Chinese Information War Theory and Practice » 

[49] « The Chinese government has a national policy of economic espionage in cyberspace. In fact, the Chinese are the world's most active and persistent practitioners of cyber espionage today. » Mike McConnel, Michael Chertoff, William Lynn, Office of the National Counterintelligence Executive, octobre 2011, rapport au Congrès américain.

[50] Comme le montrent les best sellers La Chine est en colère et La Chine peut dire non

[51] En décembre 2011, un bref article publié dans le Bao Jiefangjun, reprenant le discours du général Ma Xiaotian, chef adjoint d'état-major général de l'APL, à l'Institut chinois d'études stratégiques internationales, montrait comment le principe était « revisité » pour devenir : "confirmer (jianchi), en gardant un profil bas, et activement (jiji) réaliser quelque chose ».

Le président Hu Jintao avait déjà fait cette révision à l'été 2009, mais était rarement apparu dans les médias officiels.

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 16:01

En 2010, la Chine s’affirme plus que jamais comme une grande puissance dont les enjeux et les défis géopolitiques tant internes qu’externes influencent directement le reste du monde.

Sortie plus vite de la crise économique, forte d’un taux de croissance à deux chiffres, elle est devenue un partenaire incontournable qui n’hésite pas à défendre ses intérêts et n’admet plus que l’on lui donne de leçons. Après les jeux olympiques de Pékin en 2008, son soixantième anniversaire fêté en grandes pompes en 2009, la Chine accueille à Shanghai du 1er mai au 31 octobre 2010 la quasi-totalité des autres pays de la planète. Une vitrine extraordinaire pour ce pays en pleine mutation.

 

I- Sur le plan intérieur : une année « cruciale et complexe »

Une gestion macroéconomique délicate

Malgré une crise économique sans précédent, la 3ème puissance économique mondiale (sur le point de ravir la seconde place d’ici la fin de 2010) poursuit sa croissance à un rythme soutenu.

Avec une croissance du PIB de 8,7% en 2009[1] (10,7% au quatrième trimestre 2009) et des prévisions de 10% en 2010 (déjà 11,9% au 1er trimestre 2010), le plan de relance de 4 000 milliards de yuans lancé en novembre 2008 semble bien avoir porté ses fruits et l’on craint aujourd’hui un risque de surchauffe et des tensions inflationnistes[2]. Les prix de l’immobilier continuent de s’emballer (+12,8% sur un an en avril 2010). Aussi les autorités se sont-elles engagées dans une politique monétaire plus restrictive avec un resserrement du crédit[3].

La Chine est devenue le premier exportateur mondial. Malgré un net repli en 2009, ses exportations représentent 9% de toutes celles de la planète. Si la Chine est le champion en termes de volume d’exportations, elle doit encore faire des progrès en termes de structure d’exportations, de capacité d'innovation technologique et de compétitivité industrielle pour devenir une véritable puissance commerciale. « L’atelier du monde » monte en gamme passant de produits à forte intensité de main d'œuvre à une production à plus forte intensité technologique. L'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine, suivie des Etats-Unis et du Japon.

Or les partenaires commerciaux de la Chine au premier rang desquels les Etats-Unis considèrent que le yuan est sous-évalué. De 2005 à mi 2008, il s’était apprécié de près de 20%. Avec la crise, le lien yuan-dollar a été rétabli aux environ de 6,83 yuans pour 1$ afin de préserver la compétitivité des entreprises exportatrices chinoises. Le gouverneur de la banque centrale chinoise a déclaré début 2010 que Pékin sera contraint d’abandonner progressivement cette politique tout en maintenant le yuan « globalement stable ». Les réserves de change sont au plus haut avec fin mars 2010 2 447 milliards de dollars.

 

Vers un « nouveau modèle de croissance » : une croissance plus durable et plus équitable

Afin de préserver la stabilité du pays, les autorités s’engagent à soutenir la consommation intérieure et à réduire les inégalités sociales et géographiques qui explosent. Les revenus des 10% de Chinois les plus riches sont 10 fois supérieurs à ceux des 10% les moins riches et les revenus des citadins sont 3,3 fois supérieurs à ceux des ruraux.

Pékin veut développer le système de protection sociale afin de débloquer « l’épargne de précaution » : budget en progression de 8,8% pour la protection sociale et de 12,8% pour le développement rural. En revanche, les autorités ont décidé d’afficher un budget de la défense en progression plus faible que les années précédentes (7,5% en 2010 contre 14,9% en 2009 ; il a quintuplé en dix ans).

 

Education, R&D : la Chine mise sur l’avenir

Le plus grand nombre d’étudiants au monde

Depuis les années 80 et de façon accélérée à partir des années 90, la Chine a réformé de façon spectaculaire son système d’enseignement supérieur et de recherche. Le nombre d’étudiants a explosé, passant de 5,6 millions en 2000 à près de 25 millions. La moitié d’entre eux suivent des filières scientifiques ou d'ingénierie et près d’un million d’ingénieurs sortent diplômés chaque année

La Chine, futur laboratoire de la planète ?

Avec près d’un million de chercheurs, la Chine veut faire de l’innovation scientifique et technologique un moteur de sa « croissance durable », et à court terme, un outil de l'amélioration de sa compétitivité et de la montée en gamme de son industrie.

Depuis 2000, la recherche chinoise connaît un développement rapide, notamment dans le secteur privé. Après s’être appuyé sur les transferts de technologie (IDE en Chine et expansion internationales des entreprises chinoises), la Chine affiche dorénavant une volonté d’indépendance technologique. L’objectif est de réduire la part de technologies importées en 2020 à moins de 30 % et de développer des « clusters » de recherche, notamment dans les grandes universités (programmes 211 et 985). Depuis 2009, la Chine talonne les Etats-Unis pour le nombre de brevets et de publications scientifiques produits chaque année. La visibilité internationale de cette production reste faible tout comme la part des brevets d’invention et la recherche fondamentale est encore à la traine mais les investissements sont considérables. Le rattrapage est en marche.

- Part du PIB consacré à la recherche et au développement : 1,5% en 2009 (0,6% en 1995). Objectif 2020 : 2,5%

- Nombre de travaux scientifiques publiés par la Chine : 112.000 articles (2008), n°2 mondial.

- Nombre de brevets déposés en Chine : 828 000 (dont 87% par des institutions chinoises. seuls 27% sont des brevets d’invention)

- Grands axes de recherche : énergie, ressources naturelles, environnement ; techniques de production industrielle et technologies de l’information ; biotechnologies ; nanotechnologies ; technologies spatiales et maritimes.

- Nombre d’étudiants chinois à l’étranger : 230 000 en 2009. Depuis1978, près de 1,5 million de chinois ont étudié hors des frontières.

Fabienne Clérot

 

« Un certain niveau de tensions sociales »[4]

- Une société malade ?

La série d’attaques violentes dans les écoles chinoises a mis en lumière les dysfonctionnements de la société chinoise : fracture sociale, corruption, abus de pouvoir, chômage, faible niveau des salaires, conditions de travail… et met à mal l’image de la « société harmonieuse ». Le nombre et l’intensité des conflits sociaux ne cessent d’augmenter tandis que les formes de contestation se diversifient et se radicalisent: manifestations de plus en plus violentes, pétitions, campagnes de contestation sur internet… Les causes sont variées : décisions arbitraires, restructurations économiques, conflits de travail, transferts de population, expropriations, pollution.

- Des tensions aux marges de l’empire

Depuis les violentes émeutes de Lhassa en mars 2008 (qui ont fait 21 morts selon le bilan officiel et plus de 200 selon le gouvernement tibétain en exil), le Tibet reste plus que jamais sous contrôle. Un ex-militaire, Padma Choling, a été nommé à la tête du Tibet. En avril, le séisme du Qinghai, région de peuplement tibétain, a à nouveau mis l’accent sur la question tibétaine. Au Xinjiang, où à l’été 2009 de terribles affrontements interethniques ont opposés ouïghours et hans, faisant selon le bilan officiel 197 morts et 1600 blessés, un nouveau gouverneur, Zhang Chunxian, a été nommé pour poursuivre la lutte contre le « séparatisme » et un renfort de 5000 policiers a été annoncé pour maintenir l’ordre. Les émeutes avaient été suivies d'arrestations en masse dans la communauté ouïghoure. Vingt six personnes ont à ce jour été exécutées ou condamnées à mort. Les accès internet suspendus en juillet 2009 n’ont été rétablis que 10 mois plus tard.

 

 Un régime qui s’autocélébre et qui se durcit ?

 

- Des JO à l’Expo

Les festivités sans précédent du 60ème anniversaire de la République populaire ont été organisées comme une démonstration de force, d’exaltation du sentiment national et de légitimation de l’action du parti. Le gouvernement prépare actuellement les célébrations du 90ème anniversaire du PCC (en juillet 2011). Le réveil nationaliste est une réalité en Chine où les ouvrages qui exaltent ces valeurs rencontrent un grand succès[5]. 2010 sera marqué par l’exposition universelle de Shanghai voulue comme celle de tous les records (budget, nombre de pays représentés, fréquentation, superficie…).

- La question des droits de l’homme

La fin de l’année 2009 a été marquée par la condamnation à 11 ans de prison de Liu Xiaobo, l'un des auteurs de la "Charte 08, et par l’exécution pour trafic de drogue d’un ressortissant britannique, Akmal Shaikh. Au total, plus de 1700 exécutions auraient eu lieu en Chine en 2009.

Premier pays en nombre d’internautes (plus de 400 millions) et en nombres d’utilisateurs de téléphones portables, la Chine renforce son arsenal de censure. Malgré cette « grande muraille virtuelle », une société civile émerge sur le web et une contre-culture satirique s’y développe.

En janvier 2010, Google, victime d’attaques informatiques, a dénoncé la censure chinoise, après l’avoir tolérée pendant de nombreuses années et a menacé de cesser ses activités dans le pays. L’affaire a pris rapidement une tournure diplomatico-politique avec le discours d’Hilary Clinton. En mars, le géant américain décidait de transférer son moteur de recherche chinois (google.cn) vers sa plateforme de Hong Kong.

 

II- La Chine sur le devant de la scène internationale : un rôle croissant, un partenaire incontournable

Alors que la crise financière a ébranlé l'hégémonie américaine et que la croissance chinoise tire l’économie mondiale, Pékin entend participer pleinement au processus international de prise de décision, élever son statut et élargir son influence.

- une puissance régionale

En signant un accord de libéralisation des échanges, la Chine et les pays de l’ASEAN ont lancé leur marché commun (3ème mondial en termes d’échanges commerciaux et 1er en nombre d’habitants). En 2001, la Chine a initié la création de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai : Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan). Lors du sommet trilatéral Chine Corée du Sud Japon qui s’est tenu en Chine en octobre 2010, la perspective d’une coopération est-asiatique a été envisagée.

 

- un « stakeholder » ?

Sur le dossier du nucléaire iranien, après avoir longtemps plaidé pour la poursuite des négociations et contre de nouvelles sanctions, Pékin s’est finalement rallié à la position des autres membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU.

Pour la Chine, la stabilité de la RPDC est essentielle et elle est favorable à la reprise des pourparlers à 6 sur la question nord-coréenne. Dans un contexte très tendu suite au naufrage d'un navire de guerre sud-coréen, la coopération sino-nord-coréenne semble se renforcer. Kim Jong-il s’est rendu en Chine en mai alors que le président chinois Hu Jintao était à Pyongyang en février

C’est lors du sommet du G20 de Londres que la Chine a montré sa détermination et son assurance: alternative au dollar, réforme des institutions, meilleure représentation des pays du Sud… Elle entend jouer pleinement son rôle de proposition et d’arbitre 

Par son refus d’accepter un accord contraignant, Pékin a été rendu responsable de l’échec du sommet de Copenhague. En se posant en chef de file des pays du Sud, la Chine, qui estime que les pays industrialisés ont une dette historique, a fait valoir le « droit au développement ». Première émettrice de CO2, fortement dépendante du charbon (70% de son énergie), elle développe de manière très active son programme d’énergies renouvelables (solaire, éolien, voitures électriques) pour les porter à 15% de sa fourniture énergétique d'ici à 2020 (9% actuellement).

 

-       EU-Chine : le calme après la tempête

Les sujets de friction sont nombreux entre les deux puissances interdépendantes : niveau du yuan, ventes d’armes à Taïwan, Dalaï Lama, potentiel militaire chinois, affaire Google, déséquilibre commercial, protectionnisme. Le premier voyage de Barack Obama en Chine en novembre a déclenché un véritable engouement populaire mais a été peu concluant du point de vue américain. Début 2010, les relations étaient particulièrement tendues, elles s’apaisent progressivement : évolution de la position de la Chine sur la question iranienne, reprise du dialogue sino-américain sur les droits de l’homme, poursuite du "dialogue économique et stratégique" sino-américain. Les deux grandes puissances semblent condamnées à s’entendre.

 

-       France-Chine : la grande réconciliation

Tournée la page de 2008 ? Les relations se sont réchauffées progressivement entre les deux pays à partir de la rencontre entre les deux présidents en marge du sommet du G20 à Londres suivie d’un communiqué de presse conjoint (« une seule Chine ») et de nombreuses visites officielles françaises (JP Raffarin, C. Poncelet, Christine Lagarde, François Fillon) tout au long de l’année 2009. Alors que la France prendra la présidence du G20 en novembre 2010, et a besoin du soutien de Pékin, le Président français accompagné de son épouse s’est rendu en visite officielle de trois jours en Chine : Pékin, Xian et Shanghai où il a assisté aux côtés du Président Hu Jintao à l’inauguration de l’exposition universelle (30/04) après avoir visité le pavillon français.

 

-       Chine-Taïwan : le rapprochement

Sur fond multiplications des échanges, économiques, commerciales, culturelles, touristiques…Alors que Pékin entend évoluer de façon pragmatique vers la « réunification pacifique de la patrie » et qu’un accord de libre échange est envisagé, que feront les Taïwanais face à cette menace de réunification rampante ?

 

- Une diplomatie active en quête de…des ressources

Que ce soit dans ses relations avec son voisin russe, avec l’Amérique latine et, surtout, avec l’Afrique, les enjeux politiques et diplomatiques ne sont jamais éloignés des enjeux économiques, commerciaux et de l’accès aux ressources (énergétiques, minières, agricoles…) dont la Chine a tant besoin. Ainsi en dix ans, l’Afrique est devenue le deuxième partenaire économique de la Chine. Face aux critiques de « néocolonialisme », les dirigeants chinois assurent que « le développement de la Chine est un processus dynamique, pacifique, inclusif, communément bénéfique et responsable » (Hu Jintao sommet BRIC 15/04/10).

 

 

Chronologie (mai 09-mai 10)

 

2009

12 mai : commémoration du séisme de Wenchuan (Sichuan)

15-22 mai 2009 : forum trans-détroit

4 juin: 20 ans de Tiananmen

5 juillet : émeutes au Xinjiang

Septembre : le Président chinois présent à l'Onu à New York et au sommet financier du G20 à Pittsburgh

10, 11 et 12 septembre : Forum de Davos 2009 à Dalian

1er octobre: 60e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine

4 octobre : visite de Wen Jiabao en Corée du Nord

Visite du Dalaï Lama aux Etats-Unis

8-9 novembre : 4ème FOCAC Forum Chine Afrique

15-18 Novembre : visite de Barack Obama en Chine (Shanghai et Pékin)

30 novembre : 12e sommet sino-européen à Nankin

20 décembre : 10ème anniversaire rétrocession de Macao à la Chine

7 au 19 décembre : sommet sur le climat de Copenhague.

17 décembre arrestation de Zhao Lianhai, défenseur des familles victimes du lait contaminé

20-22 décembre : François Fillon en Chine.

25 décembre: condamnation de Liu Xiaobo

29 décembre: exécution d’Akmal Shaikh

 

2010

Janvier :

1er janvier 2010 : suppression des droits de douane entre la Chine et 6 pays de l’ASEAN

Début de l’affaire Google

Annonce de la vente d’armes par les Etats-Unis à Taïwan

Février :

Rencontre Président Obama-Dalaï Lama

Le PM chinois dialogue en ligne avec les internautes

Mars :

Session de l’APN et de la CCPPC

Lourdes peines de prison à l’encontre de 3 anciens cadres du groupe minier australien Rio Tinto (corruption et vol de secrets commerciaux). Appel rejeté en mai.

Avril :

Catastrophe dans une mine de charbon dans la province du Shanxi (nord)

Article de Wen Jiabao rendant hommage à Hu Yaobang dans Le Quotidien du peuple

Second sommet des BRIC 15 et 16 avril à Brasilia

Séisme du Qinghai, plus de 2000 morts

12 avril rencontre Obama Hu à Washington avant le sommet sur la sécurité nucléaire

Sommet sur la sécurité nucléaire à Washington

30 avril : inauguration de l’exposition universelle de Shanghai. Visite de Nicolas Sarkozy en Chine.

Mai :

3-7 mai : visite de Kim Jong Il en Chine

Hu Jintao en Russie pour le 65e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945

Volonté d’établir un secrétariat permanent sur la coopération régionale (Chine, Corée du Sud, Japon)

1er mai -31 octobre 2010 : exposition Shanghai-Chine 2010

 

Bibliographie sélective

 

Quelques ouvrages

 

Adam Smith à Pékin. Les promesses de la voie chinoise, par Giovanni Arrighi.Ed. Max Milo, 2009, traduit de l'anglais par Nicolas Vieillescazes et préfacé par Alain Lipietz

Chinamérique, un couple impossible. Avril 2010. Eyrolles (Editions d’Organisation), sous la direction de Jean-Louis Chambon, propose une analyse multifacettes du Cercle Turgot.

A power audit of EU-China relations, rapport de François Godement & John Fox, avril 2009 ECFR. (http://ecfr.eu/page/-/documents/A_Power_Audit_of_EU_China_Relations.pdf)

Une grande divergence : La Chine, l'Europe et la construction de l'économie mondiale - Kenneth Pomeranz, Albin Michel mars 2010

The dragon’s gif t:the Real Story of China in Africa Deborah Brautigam Oxford University Press 2009

Chine, La grande séduction. Essai sur le soft power chinois, B. Courmont, éd. Choiseul. 2009

Les idées maîtresses de la culture chinoise. Liang Shuming. Institut Ricci - Cerf. Traduit par Michel Masson

 

Sites internet

·      sites et blogs français

http://www.ambafrance-cn.org (site de l’Ambassade de France en Chine. Voir notamment le bulletin mensuel présentant les évolutions macroéconomiques et financières de la Chine).

http://www.aujourdhuilachine.com/

http://www.connexions.ccifc.org/

http://blog.lefigaro.fr/chine/

http://chine.blog.lemonde.fr/

http://www.rue89.com/chinatown

·      sites chinois

http://chinadigitaltimes.net

http://www.chine-informations.com/

http://french.china.org.cn/

http://fr1.chinabroadcast.cn (site de radio chine international en français)

http://french.news.cn (site en français de l’agence de presse Xinhua)

http://www.chinadaily.com.cn/fr (site en français du quotidien Chinadaily)

http://fr.cctv.com (site de la chaîne CCTV en français)

http://www.gov.cn/english/about.htm (site institutionnel du gouvernement chinois. en anglais)



[1] 2009 : PIB 33 535,3 milliards de RMB

[2] Prévisions 2010 : croissance 10% (3.9% monde) - inflation 3.1% (1.9% en 2009). Source : FMI

[3] En 2009, les banques chinoises ont prêté 9 600 milliards de yuans. En 2010 le gouvernement souhaite limiter les nouveaux crédits à 7 500 milliards de yuans.

[4] Wen Jiabao en mai 2010 commentant la série d’attaques dans les écoles

[5] C’est le cas notamment de La Chine peut dire non (1996) et La Chine n’est pas contente (mars 2009).

 

 

Référence : L'Année stratégique 2011 - @IRIS - Armand Colin

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 13:44

Article de janvier 2009 : 

Après une année 2008 placée sous le signe des JO de Pékin, 2009 aura confirmé combien la Chine est devenue incontournable sur la scène internationale. 
Sortie plus vite et plus forte de la crise que les autres économies, à la fois « usine », immense marché et banquier du monde, elle affirme plus que jamais son statut de superpuissance dans la gouvernance mondiale. 

La « Nouvelle Chine » a célébré avec faste son soixantième anniversaire le 1er octobre, passant sous silence d’autres dates symboliques comme les 20 ans de Tiananmen ou le 50e anniversaire du soulèvement du Tibet. Après les émeutes de Lhassa l’année dernière, c’est cette année au Xinjiang qu’ont explosés de terribles affrontements. 

Pour préserver l’« harmonie » interne, en ces temps de crise, le gouvernement a multiplié ses interventions pour soutenir l’économie (plan de relance gigantesque pour soutenir le marché intérieur et mise en œuvre de mesures sociales) sans rien lâcher sur le plan des droits de l’homme (censure renforcée, arrestations et condamnations de dissidents). 

Alors que l’année du Buffle s’achève bientôt et avant que ne débute l’année du Tigre, faisons un rapide retour sur les dates et événements marquants de 2009 : 

Une croissance « soutenue »

La Chine a lancé en novembre 2008 un plan de relance particulièrement ambitieux de 4000 milliards de yuan, visant principalement à stimuler l’investissement domestique. Ce plan s’est révélé très efficace, même si les déséquilibres du modèle chinois persistent. 

Le taux de croissance devrait atteindre au moins 8% sur 2009. 

La Chine serait devenue sur l’ensemble de l’année 2009 le premier exportateur mondial, devant l’Allemagne (1). 

La Chine a été confrontée en 2009 à un regain de protectionnisme, du côté des Etats Unis (sur les pneus ou l’acier) et de la part de l’Union européenne (vis, boulons, chaussures…). Elle a de son côté encouragé le « buy China » dans les appels d’offres accompagnant son plan de relance et fixé des taxes à l’exportation sur certaines matières premières stratégiques. 

La faiblesse entretenue du yuan a été fortement critiquée par ses partenaires mais la Chine résiste toujours à toute idée de réévaluation de sa monnaie. 

Pékin veut améliorer le système de protection sociale afin de pousser les Chinois à économiser moins pour soutenir la relance et assurer une croissance de long terme : hausse des pensions (les plus de 60 ans représentent désormais plus de 12% de la population chinoise), lancement d’un système de retraite en milieu rural, développement de l’habitat social, réforme du secteur de la santé et de la pharmacie, avec notamment la mise en place d’un plan de couverture de santé universelle. 

Un régime inflexible

En cette période de crise économique et de dates sensibles, le régime s’est montré particulièrement ferme : déploiement policier sans précédent pour les commémorations, renforcement de la censure sur internet, lourdes condamnations et, pour finir, exécution d’un ressortissant britannique. 

- 2009 : des anniversaires sous haute tension (2)

20 ans après les événements de Tiananmen, le 4 juin reste un sujet tabou. La Chine rejette tous les appels en faveur d’un réexamen des faits qui sont toujours considérés par Pékin comme une « rébellion contre révolutionnaire ». La sécurité de la place et des autres lieux emblématiques de 1989 a été renforcée, internet a été plus que jamais surveillé et censuré et plusieurs dissidents assignés à résidence. 

1 an après le terrible séisme du Sichuan (12 mai 2008) qui a fait plus de 87.000 morts ou disparus, une cérémonie officielle, présidée par Hu Jintao a eu lieu dans le district de Wenchuan. Le gouvernement a déclaré que 5.335 élèves étaient morts ou disparus sans répondre aux questions des parents sur les responsabilités. Huang Qi, qui avait été arrêté en 2008 après ses critiques suite au séisme a été condamné en novembre à trois ans de prison pour « possession illégale de secrets d’Etat ». 

-  Internet sous contrôle 

La Chine, qui compte la plus large population d’internautes (350 millions), a imposé en 2009 de nouvelles mesures de contrôle du web. 
Dans la lignée de la campagne anti-obscénité, elle a imposé l’installation du « grand barrage vert », un logiciel de filtrage des ordinateurs individuels, visant officiellement à protéger la jeunesse des contenus dégradants circulant sur internet. Le gouvernement entend assurer sur la toile un « environnement sain et harmonieux ». Parmi les catégories interdites, figurent la violence, la pornographie, la vulgarité, la discrimination ethnique et le risque pour la stabilité sociale. Des milliers de personnes ont été arrêtées dans le cadre de la campagne anti-pornographie et autant de sites ont été fermés. 
Face au renforcement du contrôle du web, une contre-culture satirique se développe (3) et le web devient progressivement le lieu de l’émergence de la société civile et de la prise de conscience de la corruption et des fortes inégalités (4). 

-  Les dissidents dans le collimateur 

Parmi toutes les personnalités « inquiétées » par le régime en 2009, c’est le sort de Liu Xiaobo qui a le plus retenu l’attention en cette fin d’année 2009. L’intellectuel chinois a été condamné le 25 décembre à 11 ans de prison pour « subversion du pouvoir de l’Etat » après avoir été l’un des auteurs de la "Charte 08"", un texte réclamant le respect des droits de l’homme et de la liberté d’expression et l’instauration d’élections démocratiques en Chine. Liu Xiaobo a fait appel. 

-  Exécution d’un ressortissant européen 

Akmal Shaikh, Britannique d’origine pakistanaise, a été exécuté en Chine le 29 décembre après avoir été condamné à la peine de mort pour trafic de drogue, malgré les protestations de Londres et les appels à la clémence de sa famille du fait de ses troubles psychologiques. Il avait été arrêté en septembre 2007 au Xinjiang en possession de quatre kilos d’héroïne. Shaikh est le premier ressortissant européen exécuté en Chine depuis 50 ans. Au total, plus de 1700 exécutions auraient eu lieu en Chine en 2009. 

Un anniversaire flamboyant

Les festivités sans précédent organisées par Pékin pour le 60e anniversaire de la République populaire ont été l’occasion d’une démonstration de force et de patriotisme. 

C’est un grand spectacle à la gloire du régime qui a été présenté : défilé militaire de 8000 soldats avec présentation des armements les plus modernes 100% chinois, parade de 100.000 civils, dîner de gala et feu d’artifice organisé par Zhang Yimou.

La Chine « se tient fermement debout à l’Est  », a déclaré Hu Jintao, et ses dirigeants entendent montrer qu’ils sont aux commandes. Ces festivités officielles visaient à exalter le sentiment national et à légitimer l’action du parti. 

Pas de fête populaire ! Les cérémonies étaient placées sous contrôle avec un impressionnant déploiement policier, une forte propagande médiatique et la mise à l’écart du public pékinois invité à regarder l’événement à la télévision. 

Une province « rebelle »

Le Xinjiang, Far West chinois (5), situé à plus de 3000 km de Pékin, aux confins de l’Asie centrale, est encore majoritairement peuplée de Ouïgours (45% -8,3 millions) mais la part des Hans ne cesse de progresser ; ils représentent aujourd’hui 40% de la population (10 millions). Les Ouïgours, musulmans et turcophones, nourrissent un fort sentiment identitaire et nationaliste. Comme au Tibet, Pékin se méfie de cette région autonome et traque les « séparatistes » et autres « terroristes » (6) tandis que les Ouïgours accusent Pékin de discrimination religieuse et culturelle

Les tensions communautaires qui existaient depuis plusieurs années ont explosé en affrontements interethniques (7) au cours de l’été à l’annonce du lynchage de deux Ouïgours dans une usine de jouets du sud du Guangdong (25/06/09). 

La manifestation du 5 juillet a donné lieu à une répression immédiate et forte. Le couvre feu a été décrété et les accès internet et communications par portable suspendus. Face à cette crise, Hu Jintao a dû quitter précipitamment le G8. 

Les émeutes ont été suivies d’arrestations en masse dans la communauté ouïgoure et plusieurs émeutiers ont été condamnés à mort. Selon Pékin, ces émeutes étaient organisées depuis l’étranger, ce que dément Rebiya Kadeer, la dissidente ouïgoure, en exil aux Etats-Unis depuis 2005. 

Des relations ambiguës

-  France/Chine : vers une normalisation

Après une année 2008 tendue pour cause de parcours de la flamme chahutée à Paris, de rencontre avec le Dalaï Lama et d’annulation par Pékin du sommet Europe-Chine prévu à Lyon, les relations se sont réchauffées cette année entre les deux pays sur fond de communiqué de presse conjoint franco-chinois, de nombreuses visites officielles françaises (JP Raffarin, C. Poncelet, Christine Lagarde, François Fillon) et même d’un accord entre l’UMP de Xavier Bertrand et le PCC (le 22 octobre). 

-  Chine - Etats-Unis : le G2 

L’interdépendance entre la Chine et les Etats-Unis les obligent à coopérer. Pourtant les sujets de discorde sont nombreux entre les deux superpuissances. 

Le premier voyage de Barack Obama en Chine en novembre a déclenché un véritable engouement populaire comme l’a montré la multiplication des tee-shirts et autres objets à l’effigie d’Obamao ou de Maobama. Sur le plan politique, au-delà des discours sur les progrès de la coopération sino-américaine, de l’appel à une reprise des négociations sur le nucléaire nord-coréen, de la mise en garde à l’Iran, les sujets sensibles n’ont pas manqué comme le protectionnisme, les enjeux climatiques ou les droits de l’homme. Le Président américain, récent prix Nobel de la paix, a déclaré que "les libertés d’expression et de culte, d’accès à l’information et de participation politique, sont (…) des droits universels. Ils devraient être accessibles à tous, y compris aux minorités ethniques et religieuses, que ce soit aux Etats-Unis, en Chine, ou ailleurs". 

Un statut international

La troisième économie mondiale entend plus que jamais compter sur la scène géopolitique. Alors que la crise financière a ébranlé l’hégémonie américaine, Pékin prône la multipolarité, dans toutes les instances internationales du G20 au sommet de Copenhague. 

-  Les relations sino-africaines : ressources contre investissements 

Le 4e forum sino africain (FOCAC) s’est tenu en Egypte en présence du premier ministre Wen Jiabao. En dix ans, l’Afrique est devenue le deuxième partenaire économique de la Chine derrière les Etats-Unis. Elle fournit l’essentiel des ressources naturelles dont le géant asiatique a besoin pour sa croissance en échange d’investissements massifs dans les infrastructures. Avec l’Afrique, la Chine abandonne sa posture de grande puissance pour se présenter comme un pays encore émergent et conteste fermement toute accusation de néocolonialisme. 

-  Le sommet de Copenhague a été marqué par l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis, les deux plus gros pollueurs de la planète. 

Les Etats Unis exigeaient une répartition des contraintes entre pays industrialisés et pays émergents tandis que la Chine, première émettrice de CO2, a refusé tout mécanisme international de contrôle des politiques nationales et a mis en avant le « droit au développement » (150 millions de Chinois étant encore sous le seuil de la pauvreté). Selon elle, les pays industrialisés ont une dette historique qu’elle refuse de payer. 
La Chine qui tire 70% de son énergie du charbon est consciente qu’elle doit réduire cette dépendance excessive et qu’elle a besoin d’une révolution verte(8). 


Quelques dates marquantes

2009 :

-  Janvier : le ministère chinois de la Santé annonce qu’en 2008 près de 300 000 nourrissons ont été affectés par le lait contaminé à la mélamine et que 6 en sont morts. Une vingtaine de condamnations ont été prononcées, la faillite du groupe Sanlu au cœur du scandale a été prononcée et deux personnes ont été exécutées le 24/11. 
-  Février : Vente des têtes de rat et de lapin en bronze provenant du Palais d’été (collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé au Grand Palais à Paris). Protestations de Pékin. 
-  Mars : 50e anniversaire de la révolte du Tibet et exil du Dalaï Lama Pékin célèbre l’abolition du servage au Tibet (28/03) 
-  Avril : G20 à Londres. Rencontre Hu-Obama. « Réconciliation » franco-chinoise 
-  17-19 avril : conférence annuelle du Forum asiatique de Bo’ao (Hainan). 
-  12 mai : commémoration du séisme de Wenchuan (Sichuan) 
-  15-22 mai 2009 : forum trans-détroit 
-  4 juin : 20 ans de Tiananmen 
-  5 juillet : émeutes au Xinjiang. Près de 200 morts et plus de 1.600 blessés. Une soixantaine de personnes jugées à ce jour, plusieurs condamnées à mort 
-  Septembre : le Président chinois présent à l’Onu à New York et au sommet financier du G20 à Pittsburgh 
-  10, 11 et 12 septembre : Forum de Davos 2009 à Dalian 
-  1er octobre : 60e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine 
-  4 octobre : visite de Wen Jiabao en Corée du Nord 
-  8-9 novembre : 4e FOCAC Forum Chine Afrique 
-  15-18 Novembre : visite de Barack Obama en Chine (Shanghai et Pékin) 
-  30 novembre : 12e sommet sino-européen à Nankin 
-  20 décembre : 10e anniversaire de la rétrocession de Macao à la Chine 
-  21 novembre : 104 mineurs meurent suite à un coup de grisou dans une mine de charbon d’Etat à Hegang, dans la province du Heilongjiang (Nord-Est). 
-  7 au 19 décembre : sommet sur le climat de Copenhague 
-  17 décembre : arrestation de Zhao Lianhai, responsable du site internet d’information et de défense des familles victimes du lait contaminé "Kidney Stone Babies". Il risque jusqu’à cinq ans de prison. 
-  20-22 décembre : François Fillon en Chine. Rencontres avec le vice-Premier ministre - et probable futur Premier ministre - Li Keqiang, le président de l’Assemblée Wu Bangguo, le président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao. 
-  25 décembre : condamnation à 11 ans de prison pour l’intellectuel chinois Liu Xiaobo, l’un des auteurs de la Charte 08 
-  29 décembre : exécution d’Akmal Shaikh 

2010 : 

- 1er janvier 2010 : suppression des droits de douane entre la Chine et 6 pays de l’ASEAN 
-  En 2010, la Chine pourrait devenir la 2e économie du monde, devant le Japon. 
-  1er Mai-31 octobre 2010 : exposition universelle de Shanghai Avec 100 millions de visiteurs attendus par les organisateurs, Shanghai 2010 a pour objectif de devenir la plus grande exposition universelle de tous les temps. 

 

Notes :

(1)Les exportations chinoises, malgré un repli de 16,5%, totalisent 1190 milliards de dollars en 2009 et représentent 9 % de toutes les exportations de la planète.
(2) 60 ans de la République populaire, 50 ans du soulèvement au Tibet, 20 ans de Tiananmen et 10 ans de la répression contre le Falungong…
(3) Cf. le phénomène des « lamas boueux » cette vidéo présentant les Cao Ni Ma (signifiant à la fois lamas et « nique ta mère ») luttant contre leur ennemis les He Xie (au choix « crabes de rivière » ou « harmonie » devenue, pour les internautes chinois synonyme de censure)
(4) Cf. la mobilisation autour de certains faits divers : l’affaire de cette jeune femme qui a tué l’officiel qui aurait tenté de la violer ou celle de ce prisonnier qui se serait tué tout seul en jouant au chat ( !) avec ses codétenus.
(5) 1 660 000 km2 soit 1/6e du pays
(6) L’ETIM, le mouvement islamiste du Turkestan oriental, est classé par l’ONU comme une organisation terroriste proche d’Al-Qaïda.
(7) Les principales victimes lors des violences de juillet ont d’abord été des Hans. Les jours suivants, ces derniers se sont vengés, lançant des expéditions punitives contre des Ouïghours dans les rues d’Urumqi, la capitale du Xinjiang.
(8) Elle souhaite que les énergies renouvelables représentent 15% d’ici à 2020, contre 9% actuellement. La Chine est devenue en 2009 le numéro trois mondial dans l’énergie éolienne (derrière EU et Allemagne) avec une capacité installée de 20 gigawatts.

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 13:09

A l'occasion des 20 ans des événements de Tiananmen, article publié sur le site de l'IRIS ... qui m'a valu une interview dans l'Echo (Frédéric Rohar) journal économique belge le 13 juin 2009 : 

2009 est une année particulièrement sensible en termes de commémorations pour la Chine. Si le 60e anniversaire de la République populaire, le 1er octobre prochain, sera célébré en grandes pompes, les autres dates commémoratives restent fortement encadrées ou tout simplement ignorées par les autorités : les 50 ans du soulèvement au Tibet (mars) ; les 10 ans de la répression contre Falungong ; le séisme au Sichuan (un an après, les cérémonies collectives sont interdites) et surtout, les 20 ans des événements de la place Tiananmen.


A la veille du 20e anniversaire de la répression des manifestations de 1989, les regards se tournent vers Pékin où le sujet est toujours aussi tabou (1). Comme chaque année, les autorités ont renforcé la sécurité de la place de la porte de la paix céleste (Tian an men), située au cœur de la capitale chinoise, au Sud de la cité interdite, à quelques encablures de Zhongnanhai, la résidence des dirigeants. Le cimetière de Babaoshan (où reposent les héros révolutionnaires) est lui aussi très surveillé. 

Si pour l’Occident, le « printemps de Pékin » est dans tous les esprits avec des images à jamais gravées dans la mémoire collective comme celle de ce jeune homme inconnu face aux chars (2), il s’agit toujours officiellement pour le gouvernement chinois de « troubles politiques » dont il convient de ne plus de parler. 

Pourtant nombreux sont ceux qui ne veulent pas que l’on oublie ce qui s’est passé. 

Les manifestants étudiants qui se sont rassemblés à Pékin et dans s’autres grandes villes chinoises de mi-avril (3) à juin 1989 dénonçaient la corruption du régime et demandaient des réformes politiques. Ils réclamaient la « 5e modernisation » : démocratie et pluralisme (4). Ils ont été rejoints par des ouvriers mécontents de la forte inflation et du chômage. Les dirigeants ont alors craint la contagion. 
Après quelques tentatives de négociations avec les manifestants, le gouvernement a instauré la loi martiale le 20 mai, et a ensuite demandé à l’armée d’intervenir pour disperser les manifestants. Le 4 juin 1989, l’armée a tiré. Les combats se sont poursuivis pendant plusieurs jours dans les principales villes chinoises (Pékin, Shanghai, Chengdu, Xian, Qingdao…). Le bilan de la répression a été terrible. La communauté internationale a condamné ces violences et imposé des sanctions à la Chine, notamment un embargo de l’Union européenne sur les armes, toujours en vigueur. 

Quel a été le nombre total de victimes ? On ne dispose à ce jour d’aucune liste exhaustive des morts, disparus ou emprisonnés. Combien de personnes sont-elles encore en prison pour leur lien avec ces événements ? 

La blessure est toujours ouverte. En Chine, plusieurs voix se sont élevées ces dernières années pour dénoncer la brutalité de la répression de juin 1989 et demander un réexamen de la position officielle du gouvernement. 

Les « Tiananmen mothers » qui rassemblent des parents de victimes des événements de 1989 ont adressé l’année dernière une lettre au Parlement chinois. Leur porte-parole est Ding Zilin, dont le fils de 17 ans a été tué le 4 juin 1989. 
Jiang Yanyong, un ancien chirurgien militaire, arrêté pour avoir adressé une lettre au Parlement, persiste. Il vient d’écrire au Président Hu Jintao pour demander des excuses pour son arrestation. Zhang Shijun, un soldat qui participa aux événements de Tiananmen, a été arrêté pour avoir publié une lettre ouverte à Hu Jintao en mars dernier. Autant de tentatives particulièrement risquées pour leurs auteurs. 

En cette période sensible, la surveillance des dissidents est accrue. Le gouvernement prend très au sérieux les initiatives des contestataires et des démocrates, surtout en pleine crise économique. 

Parmi eux, citons Liu Xiaobo, l’un des leaders de 1989, plusieurs fois arrêté et assigné à résidence. Il est l’un des organisateurs de la « Charte 08 » (5). Quant aux leaders étudiants réfugiés aux Etats-Unis, beaucoup ne peuvent plus rentrer en Chine (6). Zhou Yongjun, qui dirigeait l’Union autonome des étudiants de Pékin en 1989 et qui vivait aux Etats-Unis a été arrêté pour fraude à son retour en Chine en septembre dernier. 

La censure historique sur les événements de 1989 est quasi-totale. Dans ce contexte, il y a de fortes chances que « Prisoner of the State », les mémoires posthumes de Zhao Ziyang publiées à l’occasion du 20e anniversaire de Tiananmen restent interdites en Chine continentale. 
L’ouvrage revient sur la bataille politique qui s’est déroulée au sommet du parti en 1989 entre deux lignes : les « réformistes » (Hu Yaobang, Zhao Ziyang) et les « conservateurs » (Chen Yun, Chen Xitong, Yao Yilin, Li Peng). 
Zhao Ziyang a été destitué de son poste de secrétaire général du PCC (7) et accusé de « fractionnisme » pour s’être opposé au recours à l’armée. Le 19 mai 1989, il a été vu pour la dernière fois en public sur la place Tiananmen (8), implorant les étudiants de rentrer chez eux. Le lendemain, après six semaines de manifestations, la loi martiale était déclarée. Zhao Ziyang est mort en janvier 2005, après avoir passé 15 ans en résidence surveillée. Dans ses mémoires, il désigne Deng Xiaoping comme l’un des principaux responsables de la répression (9). C’est le fils de son bras droit Bao Tong, qui a publié à Hong Kong la version chinoise de l’ouvrage. 

Si l’anniversaire de Tiananmen fait couler beaucoup d’encre à l’étranger, en Chine, la menace qui préoccupe les autorités, c’est la crise économique. Elle sape leur légitimité et leur rêve de « société harmonieuse ». Le pouvoir a décidé de développer la demande intérieure pour compenser la baisse des exportations et soutenir l’activité. Or, pour inciter les Chinois à consommer, il faut libérer l’épargne de précaution (destinée aux dépenses d’éducation, de logement, de santé, à la protection contre le chômage et à la retraite). 
C’est pourquoi, les autorités ont entrepris de réformer le système de santé chinois. Un plan de 850 milliards de yuan, annoncé début avril, prévoit d’étendre l’assurance maladie à 90% de la population. 

Ces « filets » sociaux suffiront-ils à satisfaire les « enfants de Tiananmen », cette classe moyenne qui, de plus en plus ouverte sur le monde, entrevoit les limites du système exacerbées par la crise économique ? 

(1) Tiananmen, Taiwan et le Tibet sont connus comme les 3 T, sujets tabous et mots censurés sur les moteurs de recherche chinois. Des filtres suppriment automatiquement toute référence à « 64 » (4 juin). Les images qui contreviennent à la thèse officielle sont expurgées du web chinois.
(2) Photo de Stuart Franklin (Magnum)
(3) Des manifestations spontanées ont suivi l’annonce de la mort de Hu Yaobang, le 15 avril 2009. Ancien secrétaire général du parti, limogé par Deng Xiaoping suite aux manifestations de 1986-87, il était partisan de la réhabilitation des victimes de la révolution culturelle et favorable à une autonomie renforcée du Tibet. Cette année encore, l’anniversaire de la mort de Hu Yaobang est passé sous silence dans les médias et sa réhabilitation n’est pas à l’ordre du jour. 
(4) Les 4 modernisations voulues par Deng Xiaoping : industrie et commerce, éducation, armée, agriculture.
(5) La Charte 08 mentionne explicitement les événements du 4 juin 89.
(6) Notamment Wang Dan, ancien étudiant de Beida ou Han Dongfang, organisateur d’un syndicat indépendant. 
(7) Remplacé par Jiang Zemin, alors secrétaire général du PC de Shanghai
(8) Sur certains clichés, on aperçoit l’actuel premier ministre Wen Jiabao derrière lui. 
(9) Dans son discours du 9 juin, Deng Xiaoping a attribué les événements à des voyous et affirmé qu’il n’y avait pas eu de morts sur la place Tiananmen.
 

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 13:05

Alors que la Chine vient de ravir au Japon la place de deuxième puissance économique, je vous propose un petit retour sur les relations sino-américaines depuis 2 ans.

 

Article de février 2009 :

Vers une tension dans les relations Etats-Unis / Chine ?

 

Alors que la Chine et les Etats-Unis fêtent cette année les 30 ans de l’établissement de leurs liens diplomatiques (01/01/1979)(1), l’arrivée de la nouvelle administration Obama marquera-t-elle un tournant dans les relations bilatérales entre les deux puissances ? En 30 ans, les relations Etats-Unis/Chine sont en effet passées par des phases successives de crispation et d’apaisement. Les tensions étaient particulièrement fortes autour de l’an 2000. On se souvient des manifestations anti-américaines qui ont suivi le bombardement par l’OTAN de l’ambassade chinoise de Belgrade en mai 1999 et de l’affaire de la collision entre un avion militaire chinois et un avion espion américain au large de Hainan en Chine méridionale en avril 2001. Suite aux attentats du 11 septembre, Jiang Zemin a été l’un des premiers chefs d’Etat à adresser un message à George Bush et la détente s’est peu à peu installée. Les relations sino-américaines se sont développées autour de rencontres comme les discussions à six sur le nucléaire nord-coréen et l’instauration du dialogue économique stratégique (DES) fin 2006.


Pékin a vu partir avec regret l’administration Bush avec laquelle les relations étaient globalement bonnes. La politique de l’administration Bush a consisté à éviter toute confrontation avec la Chine. Même si George W. Bush a reçu le Dalaï Lama, il était présent à la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin. A tel point que les journaux officiels chinois ont salué son départ de la Maison Blanche en le qualifiant d’ « ami de la Chine ». 

Les dirigeants chinois ne savaient pas à quoi s’attendre avec l’arrivée d’une nouvelle administration. Traditionnellement, ils se méfient des démocrates, généralement plus préoccupés par la question des droits de l’homme et, de par leurs liens avec les syndicats, plus sensibles à l’impact des pratiques commerciales chinoises sur le marché de l’emploi américain. 

La Chine a été très peu présente dans la campagne électorale américaine. Les seules allusions des candidats ont porté sur l’interdiction des jouets « made in China » - proposition de McCain – et la critique de la sous-évaluation du yuan responsable, selon Obama, de l’énorme déficit commercial américain à l’égard de la Chine. 

Le discours d’investiture du Président Obama a marqué le premier « couac ». Deux passages ont été censurés en direct à la télévision chinoise : celui sur le communisme (« Souvenez-vous que les précédentes générations ont tenu tête au communisme et au fascisme pas seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables ») et celui sur la dissidence (« A ceux qui s’accrochent au pouvoir par la corruption et la fraude, et en bâillonnant la dissidence, sachez que vous êtes du mauvais côté de l’histoire mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer votre poing »). 

La Chine, devenue la troisième économie mondiale, sa devise et son énorme excédent commercial sont visés par la nouvelle administration américaine, dès son arrivée au pouvoir. 
C’est Tim Geithner, deux jours après l’investiture, lors de son discours devant le Sénat, qui reprend le thème de la sous-évaluation du yuan et accusant Pékin de « manipuler » sa monnaie et de soutenir ainsi artificiellement ses exportations. Les exportations chinoises aux Etats-Unis ont atteint un nouveau record, s’élèvant à 338 Mds de dollars en 2008. La balance commerciale américaine a clôturé l’année en déficit de 677 Md$ dont 40% imputables à la Chine (266 Md$). Si le yuan s’est apprécié de 20% en 5 ans, certains experts américains considèrent qu’il est encore largement sous-évalué face au dollar (jusqu’à 40% selon les plus « virulents »). 

Au moment où l’administration Obama propose son plan de relance face à la crise, ces attaques contre la Chine sont de nature à flatter les citoyens inquiets pour leur emploi et les puissants syndicats, notamment ceux de l’acier et du textile. 

La réplique chinoise n’a pas tardé. D’abord du côté du Premier ministre Wen Jiabao qui, à Davos, a accusé les Etats-Unis, sans les nommer, d’être les premiers responsables de la crise et qui leur a demandé de choisir la voie de la « coopération » plus que de la « confrontation ». Puis du côté du Président Hu Jintao, qui lors de sa conversation téléphonique avec B. Obama, l’a exhorté à résister au « protectionnisme commercial ». 

Selon le China Daily, « le Président américain considère peut-être la Chine comme une concurrente ». 

Ce qui est certain, c’est qu’après plusieurs années, la Chine pourrait redevenir centrale dans les préoccupations de l’administration américaine. Deux des conseillers du Président Obama sont particulièrement réputés pour leur connaissance des enjeux chinois. Jeffrey Bader, conseiller pour l’Asie du Conseil de sécurité national est un spécialiste de la Chine, qu’il voit comme une priorité. Kurt Campbell, Secrétaire adjoint pour l’Asie de l’Est est lui un ardent défenseur de Taïwan et considère que la modernisation militaire chinoise est une réelle menace. 

Avec Bush comme « repoussoir » pour de nombreux pays et sa politique centrée sur Al-Qaïda et sur l’Irak, les Chinois ont eu tout le loisir de développer leurs liens économiques et diplomatiques avec le reste du monde (en particulier l’Afrique et l’Amérique du Sud). L’Amérique d’Obama semble vouloir reprendre son leadership mondial. La concurrence entre les deux nations ne fait donc que commencer. 

Les autres sujets de discussion avec la Chine ne manquent pas : la question du Darfour, la propriété intellectuelle, la sûreté des produits, l’énergie, l’environnement, le nucléaire iranien et nord-coréen, Taïwan, les droits de l’homme (2) …
Hillary Clinton, qui prépare son prochain voyage en Chine, souhaite que la relation entre les deux pays soit « plus complète » (ie. pas seulement économique) et veut « parler de tout ». 

Si l’interdépendance entre les deux pays est facteur de tensions, elle rend pourtant nécessaire leur collaboration. La Chine dépend de la consommation américaine pour soutenir ses exportations et les Etats-Unis dépendent de Chine, leur premier créancier (3). Leurs économies sont totalement imbriquées. 

Les autorités de Pékin disent apprécier la volonté du nouveau Président américain d’exercer une diplomatie souple et ouverte. Par ses premiers signaux contre les pratiques commerciales chinoises, Barack Obama tente manifestement de démarrer les négociations en position de force. 


(1) Les « anniversaires » de 2009 : les 20 ans des événements de Tian An Men en juin, les 60 ans de la République populaire de Chine le 1er octobre.
(2) Les associations de protection des droits de l’homme mettent la pression au Sénat pour que cette question soit abordée par la nouvelle administration avec la Chine. Le gouvernement américain vient d’ailleurs d’envoyer un premier signal à Pékin en refusant de renvoyer en Chine les 17 détenus ouighours de Guantanamo.
(3) La Chine est devenue la première détentrice de bons du Trésor américain en 2008 avec 585 Md$, devant le Japon.

 

et celui de novembre 2009 :

Une nouvelle ère dans les relations sino-américaines ?

 

Barack Obama est attendu en Chine du 15 au 18 novembre pour sa première visite depuis son entrée en fonction (1). Il fera d’abord une étape à Shanghai (2) avant de se rendre à Pékin pour sa troisième rencontre avec son homologue Hu Jintao (3). L’objectif est de renforcer la coopération entre les deux puissances sur les questions d’intérêt commun, bilatérales, régionales et mondiales. Les sujets sont nombreux et les divergences réelles.


Depuis l’installation de l’administration Obama, les relations sino-américaines ont connu de multiples tensions (discours d’investiture d’Obama, question de la sous-évaluation du yuan, accrochage dû à la présence de navires militaires américains proches des côtes chinoises …) mais, l’interdépendance économique des deux pays est telle qu’ils ne peuvent se passer l’un de l’autre (4). 

La préparation du sommet de Copenhague (question climatique) sera au cœur des discussions. La Chine et les Etats Unis totalisent 40% des émissions mondiales de CO2. La Chine a dépassé les Etats-Unis en volume total d’émissions (6.600 millions de tonnes d’équivalent CO2 pour la Chine contre 6.400 millions de tonnes pour les Etats Unis en 2008), toutefois un Chinois émet encore cinq fois moins de gaz à effet de serre qu’un consommateur américain moyen (4,8 tonnes contre 21 t). 

Les problèmes de sécurité seront également à l’agenda : avec bien évidemment le nucléaire iranien et nord-coréen, mais aussi les questions militaires bilatérales. Les Etats-Unis sont très attentifs à l’évolution et à la modernisation de l’armée chinoise et souhaitent plus de transparence sur le budget militaire chinois. De son côté, Pékin considère que les ventes d’armes par les Etats-Unis à Taiwan constituent toujours l’un des principaux obstacles au développement des relations militaires entre la Chine et les Etats-Unis. 

Sur le plan économique, les tentations de protectionnisme commercial sont fortes : taxation par les Etats Unis des pneus chinois ou des tubes en acier, critiques des subventions américaines à l’industrie automobile ou à la production de poulet !
Les Etats-Unis qui enregistrent actuellement leur plus important déficit commercial avec la Chine (143,7 milliards de dollars sur les huit premiers mois de 2009) considèrent que la monnaie chinoise est sous-évaluée ce qui dope artificiellement leurs exportations. La Chine souhaite quant à elle accéder rapidement au statut d’économie de marché (5), jugeant que son statut actuel d’économie en transition lui est défavorable dans les enquêtes commerciales conduites par l’OMC (6). 

Enfin, concernant les droits de l’homme, les associations qui militent pour la libération de Hu Jia ou de Liu Xiaobo, pour le Tibet (7), pour le Xinjiang et, plus largement, pour les libertés (d’expression, de la presse, syndicale, religieuse…) pressent le président Obama, d’évoquer ces questions lors de son voyage dans l’Empire du milieu (8). 

Quelle sera la position du nouveau prix Nobel de la Paix ? 

Lors de sa dernière conférence de presse, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, He Yafei indiquait : « Nous croyons que la visite du président Obama en Chine sera un succès avec des efforts concertés des deux côtés ». 

(1) Lors de sa tournée asiatique, le Président américain se rendra au Japon, à Singapour, en Chine et en Corée du Sud. 
(2) Shanghai devrait finalement voir s’installer en 2014 un parc Disney. Les investissements sont estimés à 3,6 milliards de dollars. 
(3) La première rencontre a eu lieu en avril à Londres et la seconde à New York en septembre en marge du sommet sur le changement climatique. 
(4) Comme le soulignait le vice-Premier ministre Wang Qishan lors de la réunion de la Commission conjointe sur le Commerce sino-américaine (JCCT) à Hangzhou en octobre dernier. 
(5) Prévu en 2016 lors de son accession à l’OMC. 
(6) En 2008, la Chine a fait l’objet de 73 enquêtes d’anti-dumping et de 10 enquêtes d’anti-subvention, représentant respectivement 35 % et 71 % des cas mondiaux, et faisant de la Chine le membre de l’OMC ayant subi le plus grand nombre d’enquêtes commerciales dans le monde. 
(7) Le Président Obama a refusé de renconrer le Dalaï Lama avant sa visite en Chine mais la rencontre pourrait avoir lieu après sa tournée asiatique. 
(8) Lors de son voyage à Pékin en février 2009, Hillary Clinton avait principalement évoqué les questions économiques et commerciales, semblant relativiser la question des droits de l’homme au profit de la « diplomatie des bons du trésor ».


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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 12:59

Alors que la Chine connaît actuellement un nouveau scandale du lait contaminé , retour sur l'affaire avec mes interventions de septembre 2008 :

 


 

et l'article :

Le scandale du lait contaminé


Sitôt la parenthèse des JO refermée, la Chine doit à nouveau faire face à une catastrophe majeure. L’affaire du lait frelaté qui a explosé il y a 15 jours n’en finit pas de s’étendre. Ce scandale sanitaire a provoqué une véritable crise politique dans le pays avec de fortes répercussions internationales.

 

L’un des pires scandales sanitaires en Chine

- l’industrie laitière éclaboussée par le scandale de la mélamine

Les consommateurs chinois ont appris il y a quelques semaines que le lait maternisé en poudre de la marque Sanlu, le plus grand groupe laitier, contenait des quantités dangereuses de mélamine. Ce produit - à forte teneur en azote entre dans la fabrication de colles, plastiques et résines - aurait été utilisé pour masquer l’addition d’eau au lait et pour augmenter artificiellement le taux de protéine. 
Le scandale s’est rapidement étendu quand, suite à des analyses commandées par le gouvernement, on a constaté que la marque Sanlu, entreprise située à Shijiazhuang dans le Hebei, province frontalière de Pékin, n’était pas seule en cause et que le lait d’autres marques réputées était aussi contaminé. Les tests réalisés sur 491 lots commercialisés par 109 entreprises ont révélés que 10% étaient souillés et que 22 sociétés laitières étaient concernées dont des marques très connues en Chine : Yili (sponsor des JO), Mengniu, Yashili, Guangming. Outre le lait en poudre, certains laits classiques seraient également en cause ainsi que d’autres produits laitiers, sodas et bonbons. 
C’est toute l’industrie laitière qui est montrée du doigt. Contrairement à d’autres secteurs de l’industrie agro-alimentaire très « émiettés » (78% des entreprises emploient moins de 10 personnes), l’industrie laitière repose sur des groupes puissants et réputés. Toutefois la chaîne de production comporte de nombreux intermédiaires ce qui contribue à diluer les responsabilités. 
La police a interpellé des courtiers en lait. Ils auraient reconnu avoir vendu de la mélamine à d’autres intermédiaires ou du lait contaminé à Sanlu. 

- Des dizaines de milliers de bébés malades La mélamine consommée à fortes doses entraîne des calculs rénaux et des insuffisances rénales pouvant entraîner la mort. La crise touche tout le pays. 
4 bébés sont morts (dans le Gansu, le Zhejiang, le Xinjiang), 13 000 enfants sont encore hospitalisés dont une centaine dans un état grave. Au total, les pouvoirs publics chinois estiment que 53 000 enfants auraient été touchés. 80% ont moins de 2 ans. 
Une véritable psychose s’est emparée des parents chinois qui se sont précipités dans les hôpitaux pour faire examiner leur enfant. 

- Une crise symptomatique des déficiences de la sécurité sanitaire Cette affaire souligne les progrès que la Chine doit encore accomplir en matière de sécurité alimentaire et sanitaire. 
Depuis quelques années, la Chine a été à l’origine de divers scandales : poudre de lait sans valeur nutritive ayant entraîner la mort de 13 nourrissons en 2004, porcs aux anabolisants, poissons aux hormones, nourriture pour animaux exportée aux Etats-Unis contaminée par de la mélamine en 2007, dentifrice à l’antigel, raviolis aux pesticides (1). Elle a également vu se succéder plusieurs épidémies : SRAS (fin 2002-2003), grippe aviaire et plus récemment le syndrome pied main bouche (2). 
Des réformes ont déjà été entreprises depuis 2005. Afin de mieux répondre à ce type de problèmes, et d’améliorer la coordination entre les ministère concernés, l’organisme chargé de la veille sanitaire a été rattaché directement au Ministère de la santé en mars 2008. 
La contamination aurait-elle pu être évitée ? Selon un représentant de l’OMS, ce type de produit toxique n’est jamais recherché a priori. La recherche n’a lieu que lorsqu’un cas est signalé. Et c’est bien là le cœur du problème et du scandale actuel : quel a été le délai de réaction des responsables chinois : entreprises, autorités locales, pouvoir central ? 

 

Un scandale politique majeur

 

- Les multiples tentatives d’étouffer l’affaire Les premières plaintes reçues par Sanlu seraient intervenues dès décembre 2007. La première mort d’enfant a eu lieu le 1er mai. Aucun test n’a été effectué avant juin. Il semble que ce soit le groupe néo-zélandais Fonterra, actionnaire à 43% de Sanlu, qui se soit inquiété et ait poussé l’entreprise à informer les autorités locales le 2 août (6 jours avant l’ouverture des Jeux olympiques !). Ces dernières ont à leur tour attendu 1 mois avant d’avertir les autorités centrales, le 9 septembre. L’affaire a éclaté le 11 septembre quand Sanlu a reconnu publiquement la mort d’enfants. 

- Corruption et laxisme des autorités locales : des limogeages en cascade Le groupe Sanlu reste au cœur du scandale. Sa Présidente, Mme Tian Wenhua, a été limogée de son poste, de toutes ses fonctions politiques (elle était députée de l’assemblée provinciale du Hebei) et arrêtée par la police. D’autres responsables politiques de la province du Hebei ont été destitués : le secrétaire du parti communiste de Shijiazhuang Wu Xianguo, le maire Ji Chuntang, le maire adjoint Zhang Fawang… 
L’affaire vient de toucher le pouvoir central puisque Li Changjiang, le patron de l’administration chinoise chargée du contrôle de la qualité, a dû démissionner en début de semaine. C’est le fonctionnaire de plus haut rang touché par l’affaire à ce jour. 

- Le gouvernement face à l’opinion publique Le gouvernement mobilise toutes les administrations concernées autour du Ministère de la santé : l’administration d’Etat de contrôle qualité, l’administration générale de l’industrie et du commerce, le ministère de l’agriculture, le ministère de la sécurité publique, l’agence de surveillance et de contrôle des aliments et des médicaments, le gouvernement du Hebei. Comme lors le séisme du Sichuan, le gouvernement montre sa volonté de s’attaquer au problème. Il lance une vaste campagne d’information et de communication : des lignes de conseils téléphoniques gratuites devraient permettre de répondre 24h/24 aux parents inquiets, la liste des produits contrôlés est mise à la disposition de la population, les hôpitaux doivent traiter gratuitement les enfants atteints (3), les produits contaminés doivent être retirés du marché (4), 5000 experts ont été déployés dans tout le pays pour poursuivre les inspections... 
Cette affaire est d’autant plus problématique pour le pouvoir qu’elle concerne des enfants (rois en Chine, même avant la politique de l’enfant unique) et qu’elle touche particulièrement la classe moyenne chinoise (5), celle qui a les moyens d’acheter du lait maternisé (6). 
Le gouvernement doit dorénavant tenir compte de son opinion publique. Déjà très présent sur le terrain lors du séisme de Wenchuan, le Premier Ministre Wen Jiabao se montre cette fois encore proche des victimes, il se déplace dans les hôpitaux pour rassurer les parents et dans les supermarchés pour constater que les produits incriminés ont bien été retiré des rayons. 
Mais la colère des parents ne retombe pas, ils demandent des comptes aux autorités. 
Le Premier ministre et le Président ont promis une politique de fermeté face aux cadres qui « ont perdu le sens des principes de l’intérêt général et des responsabilités » (7). 

 

Un impact très négatif pour l’image du « Made in China »

 

Le scandale a rapidement pris une dimension internationale. Les compagnies laitières incriminées exportaient leurs produits en Asie et en Afrique : Bangladesh, Birmanie, Yémen, Burundi, Gabon… A ce jour, aucun cas n’a été identifié en dehors de Chine. 
L’impact sur les exportations de produits chinois ne cesse de s’amplifier. Plusieurs pays ont suspendu leurs importations de produits laitiers chinois : Brunei, Singapour, Malaisie, Hong Kong, Taiwan, Vietnam, Côte d’Ivoire, Burundi, Gabon, Tanzanie… 
Le Ministre français de l’agriculture a demandé à l’Europe de renforcer les contrôles sanitaires sur les importations de produits alimentaires chinois (les importations de produits laitiers chinois sont interdites en Europe depuis 2002). 
L’OMS demande au gouvernement chinois d’assurer la transparence sur cette affaire. 
La sécurité alimentaire et sanitaire est dorénavant devenue un enjeu mondial. 

(1) La liste peut sembler longue et effrayante, il faut toutefois rappeler que la Chine étant devenu l’atelier du monde, elle est forcément plus soumise à la survenance de risques.

(2) L’école maternelle française de Pékin est actuellement fermée pour une semaine suite à la découverte de 2 cas.

(3) Les entreprises fautives devront rembourser l’Etat pour les dépenses de santé engagées.

(4) C’est toute l’économie du secteur qui est touchée, les paysans jettent le lait que les compagnies ne veulent plus acheter. Le ministère de l’agriculture a promis des aides pour les éleveurs.

(5) Selon les critères retenus de 11 à 19% de la population soit 150 à 250 millions de personnes. La croissance de la classe moyenne chinoise est évaluée à 1% par an.

(6) Les mères chinoises allaitent de moins en moins. La consommation de lait qui était inhabituelle en Chine devient de plus en plus courante.

(7) En 2007, le directeur de la Chinese food and drug safety administration, Zheng Xiaoyu, a été exécuté pour corruption.

 

Source : IRIS 2 octobre 2008

 

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 12:28

Retour sur l'article de juillet 2008... toujours d'actualité


La Chine, vers un nouveau nationalisme ?

 

 

2008, année symbolique…   
Où en est la Chine près de deux mois après le séisme du Sichuan et à quelques semaines de l’ouverture des Jeux de Pékin ?
Pour Pékin, l’année 2008 devait être celle de sa consécration sur la scène internationale, une année chargée de symboles : le 30ème anniversaire de la politique de réformes et d’ouverture et surtout la tenue des JO.
Or c’est jusqu’à présent une année difficile qui voit se succéder catastrophes naturelles et tensions politiques : les chutes de neige du nouvel an, une importante catastrophe ferroviaire dans le Shandong, les émeutes au Tibet, le parcours chahuté de la flamme olympique, les critiques des gouvernements occidentaux et les manifestations pro tibétaines, la propagation de la maladie « pieds, mains, bouche », le terrible séisme du Sichuan, les importantes inondations dans le sud, des émeutes violentes dans le Guizhou, une inflation galopante…
Depuis toujours, les catastrophes naturelles sont considérées comme le signe d’une punition du Ciel, le présage d’un renversement de dynastie. Face au poids des superstitions, le gouvernement tente de calmer les nombreuses rumeurs qui se propagent sur internet. L’une des plus récentes vise les 5 mascottes olympiques (les fuwa) : elles porteraient malheur. A chacune d’elle serait associée l’un des drames qui a touché la Chine récemment. L’antilope tibétaine et les émeutes de Lhassa, le panda du Sichuan et le séisme, la flamme et son parcours perturbé, l’hirondelle et la catastrophe ferroviaire de Weifang, la capitale des cerfs volants, le poisson et les inondations de juin. D’autres concernent les chiffre 8 (traditionnel porte bonheur et gage de prospérité) que l’on retrouve dans de nombreuses catastrophes : le séisme du 12/05 (1+2+5 = 8) ou les émeutes de Lhassa le 14/03 (1+4+3 = 8). D’autres encore soulignent l’incompatibilité entre l’année du rat (2008) et celle du cheval (les années de naissance respectives du Président Hu et du Premier Ministre Wen) !
Afin que ces désastres ne portent pas un coup sérieux au moral de la population, le gouvernement s’appuie sur le sentiment nationaliste qui ne cesse de s’amplifier depuis quelques mois. Quels sont les ressorts de ce nouveau nationalisme? Quelles en sont les conséquences ?

Nationalisme et orgueil national

Les réactions nationalistes de ces derniers mois s’apparentent d’abord à un réflexe de fierté nationale.
Les Chinois sont restés marqués dans leur inconscient collectif par l’histoire des 19ème et 20ème siècles, faite d’humiliations à l’égard des occidentaux. Ils ne veulent plus se sentir inférieurs. D’où leurs réactions face à certains événements perçus comme autant d’attaques du prestige national : le parcours de la flamme émaillé de manifestations hostiles, l’octroi de la citoyenneté d’honneur de la ville de Paris au Dalaï Lama, les propos de Sharon Stone sur le séisme du Sichuan (1), et même certains films ou publicités…
La susceptibilité chinoise touche tous les domaines. Une publicité de Fiat montrant Richard Gere au Tibet a conduit le constructeur automobile à s’excuser publiquement. Même le dessin animé « Kung Fu Panda » a fait l’objet d’une campagne hostile par de jeunescybernationalistes chinois qui accusent les américains de récupérer le panda, l’animal emblématique de la Chine et du Sichuan et critiquent son créateur Steven Spielberg qui avait il y a quelques mois renoncé à être conseiller artistique des JO de Pékin en signe de protestation contre la politique chinoise au Darfour. (2)
La population s’indigne de ces maladresses et des critiques venues de l’occident, perçues comme autant d’« ingérences dans les affaires intérieures chinoises ».
Ce réflexe de protection a conduit à des réactions de rejet. La France a été la première - et de loin la plus – visée par ce ressentiment anti-occidental. Les chinois sont-ils encore francophiles ? C’est la question que l’on peut se poser en constatant la dégradation profonde des relations franco-chinoise depuis quelques mois.
Les produits français et certaines entreprises comme Carrefour ont été vivement critiquées et même boycottées. Pendant un mois, Paris a été supprimé de la liste des destinations touristiques proposées par les agences de voyages de Pékin (3). L’impact a été immédiat et fort. Les demandes de visas ont chuté de 2/3, selon l’ambassade de France à Pékin (4). L’image de la France est très dégradée en Chine. Selon un sondage sur internet (sina.com), l’attitude du Président français est jugée « extrêmement inamicale » (5) et une large majorité d’internautes se déclare défavorable à sa présence à la cérémonie d’ouverture des jeux . (6)
Parallèlement, on assiste à un réveil du patriotisme et à une valorisation de l’identité chinoise. Le drame du Sichuan a encore contribué à renforcer la cohésion nationale. L’instauration d’un deuil national de 3 jours, la couverture médiatique et politique de l’événement, la glorification de certains héros populaires (7) ont développé les sentiments de solidarité nationale.
Après tous ces désastres et crispations, les jeux olympiques sont attendus avec impatience et, non sans une certaine appréhension, du côté chinois pour célébrer le retour de la Chine comme puissance mondiale.

Un nationalisme « entretenu » par le gouvernement

Depuis plusieurs années, le régime utilise volontiers un certain nationalisme teinté de culture traditionnelle : un mélange de confucianisme et de patriotisme. Le Japon et Taïwan en ont fait les frais par le passé.
Si les réactions populaires qui se sont multipliées pendant le parcours de la flamme -campagnes de boycott et manifestations contre les intérêts occidentaux - n’ont pas été directement impulsées par le gouvernement, elles n’ont pu avoir lieu qu’avec l’assentiment du régime.
L’ampleur du phénomène nationaliste chez certaines parties de la population semble parfois dépasser le gouvernement lui-même. Mais, pour l’instant il laisse faire et se contente d’en calmer les principaux excès.
Car les dirigeants chinois de la 3ème génération ont bien compris tout le bénéfice qu’ils pouvaient retirer de l’exaltation du sentiment national à la fois pour se maintenir au pouvoir et pour préserver l’unité territoriale de leur immense pays.
Depuis peu, ils ont appris à prendre en compte l’opinion publique et à utiliser une communication plus moderne comme l’a bien montré la gestion de la crise du Sichuan.
Le gouvernement a voulu montrer qu’il était sur place aux côtés des sinistrés et à l’écoute de la population. Les opérations de communication du Premier ministre Wen Jiabao ont été couronnées de succès. Il s’est rendu sur place le jour même. Il est apparu proche du peuple, paternaliste et bienveillant. « Grand-père Wen est là ».
Héritier d’une très longue tradition de dissimulation des catastrophes, le pouvoir a choisit la transparence et l’aide internationale, contrastant ainsi avec les positions prises par son allié birman.
Le gouvernement a agi sur tous les plans :
- appel à la mobilisation nationale et aux dons pour venir en aide aux victimes ;
- intense couverture médiatique, mise en avant du rôle joué par l’armée et par les dirigeants (8) ;
- immense effort financier de reconstruction ;
- annonce de punitions pour les coupables de corruption (certains promoteurs immobiliers jugés responsables des mauvaises constructions d’écoles ou dirigeants locaux qui auraient détourné l’aide…) ;
- assouplissement de la politique de l’enfant unique pour répondre à la détresse des parents endeuillés.
Ouverture/fermeture

A l’approche des JO la Chine semble plus que jamais tiraillée entre sa place de 3ème puissance économique qui l’ouvre sur le monde et sa volonté d’annihiler toute menace intérieure ou extérieure.

 La liste des « ennemis » de l’intérieur et de l’extérieur est longue : les « séparatistes » Tibétains, les « terroristes islamistes » ouighours (9), les indépendantistes mongols, les membres de la secte Falungong, les défenseurs des droits de l’homme … (10)

 Sur la question tibétaine, qui a cristallisé les critiques occidentales à l’égard de Pékin, la Chine donne des gages de bonne volonté.

 A la veille du passage de la flamme olympique à Lhassa (11) , des détenus ont été libérés. Le Tibet a été réouvert aux touristes et aux journalistes (12). Et de nouvelles discussions ont eu lieu, début juillet, entre les représentants du gouvernement chinois et des émissaires du Dalaï Lama (13) .

Pékin continue toutefois à stigmatiser le Dalaï Lama et sa « clique » (14) . A Lhassa, Zhang Qingli a déclaré devant le Potala : "Afin de glorifier davantage l’esprit olympique, nous devons fermement écraser les complots de la clique du Dalaï Lama et des forces étrangères hostiles qui cherchent à ruiner les Jeux olympiques de Pékin".
La sécurité obsède le gouvernement chinois qui multiplie les mesures de protection à l’approche de l’ouverture des jeux. Objectif affiché: zéro incident. Les autorités prennent de nombreuses précautions pour assurer la « stabilité » pendant les jeux : mise en place d’une politique des visas beaucoup plus restrictive depuis avril (15) , multiplication des contrôles d’identité et d’alcoolémie, réduction du trafic automobile et de l’activité des usines, suspension de l’installation de nouvelles lignes internet et de téléphonie à proximité des sites olympiques, contrôle des bagages dans le métro… Même les comités de quartiers et de rue ont été réactivés dans le cadre du plan « Pékin harmonieux et pacifique ».
Les autorités sont particulièrement vigilantes quant au risque d’instabilité sociale. Après les émeutes du Guizhou (16) qui ont montré à quel point le contexte social est tendu (17) , le gouvernement a lancé une grande campagne auprès de tous les officiels locaux pour désamorcer toute menace de protestation et d’agitation, renforcer « le travail de défense des jeux olympiques » et assurer des JO « pacifiques et sûrs ». Le gouvernement a ordonné aux autorités locales d’empêcher tout « incident de masse » et de dissuader tout activisme de citoyen mécontent.

A un mois de la cérémonie d’ouverture, la Chine qui veut organiser des jeux exemplaires, semble prise d’une véritable obsession sécuritaire. Les chaînes de télévision qui retransmettront l’événement s’en inquiètent : la fête sera-t-elle au rendez-vous ? 

Notes :

1 Dior s’est immédiatement désolidarisé des propos tenus par l’actrice et a retiré, en Chine, toutes les publicités la représentant. L’invitation de l’actrice au festival de Shanghai a été annulée.
2 Le film rencontre finalement un immense succès en Chine.
3 Fin mai, les tours opérateurs de Pékin avaient reçu pour consigne non écrite de retirer la France de leurs destinations touristiques. Début juillet, ils proposaient de nouveau la France aux touristes chinois.
4 Avril 2008 : 1150 visas touristiques délivrés par semaine. Juin 2008 : 300 à 400
5 Tout en reconnaissant qu’il ne fallait pas pousser le peuple chinois dans « un nationalisme blessé », le Président français a encore une fois subordonné sa présence à la cérémonie d’ouverture au dialogue entre Pékin et le Dalaï Lama. Pékin a à nouveau rappelé à la France qu’il ne faut pas lier la question du Tibet aux jeux olympiques.
6 Peut-être une façon de sauver la face au cas où il ne viendra pas !
7 Jiang Xiaojuan, une policière qui a allaité des orphelins est devenue une véritable héroïne.
8 Les médias doivent « garantir l’unité, encourager la stabilité et donner la priorité à une propagande positive » Li Changchun
9 Les militants de l’indépendance du « Turkestan oriental »
10 Taiwan qui prônait son indépendance figurait également dans cette liste mais le dialogue a repris depuis l’élection du candidat du Kuomintang M. Ma à la présidence taiwanaise. Moment historique et symbolique le 4 juillet, lorsque le 1er vol direct depuis 1949 entre la Chine et Taiwan s’est posé sur le tarmac de Taipeh.
11 L’étape tibétaine prévue pour durer 3 jours a été réduite à une seule journée
12 Avec un permis spécial.
13 Une rencontre destinée à faire gagner du temps aux officiels chinois avant les jeux selon les Tibétains.
14 « Maintenant que la Chine s’est enfin libérée des invasions étrangères et se tient fièrement parmi la famille des nations, pourquoi le Dalaï Lama use-t-il du soutien étranger contre le gouvernement chinois ? » Le quotidien de la clarté
15 Un haut officiel chinois du Ministère des affaires étrangères a défendu les changements de la politique des visas, assurant que l’objectif était de garantir la sécurité lors des jeux olympiques tout en s’alignant avec les pratiques internationales. Il faut garder « les forces hostiles » hors du territoire (Wei Wei, directeur du département consulaire du Ministère des affaires étrangères).
16 Fin juin, 10 000 personnes s’étaient violemment révoltées dans le sud-ouest de la Chine (Wengan) pour protester contre l’enquête policière sur la mort d’une adolescente. Selon la rumeur, les autorités locales auraient protégé le fils d’un notable suspecté d’avoir violé et assassiné une jeune fille. L’oncle de cette adolescente, qui s’était élevé contre les résultats de l’enquête ayant conclu au suicide, serait mort après avoir été passé à tabac.
17 On constate la multiplication des révoltes et des pétitions contre des affaires de corruption ou d’expropriation abusives sur le plan local.
Source : http://www.iris-france.org/Tribunes-2008-07-08a.php3

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  • Chercheur à l'IRIS.
Aire de recherche : Chine, géostratégie de l'information.
Formateur en management interculturel.
Spécialiste des médias et de la communication (10 ans à la Présidence de France Télévisions).
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