Article de janvier 2009 :
Après une année 2008 placée sous le signe des JO de Pékin, 2009 aura confirmé combien la Chine est devenue
incontournable sur la scène internationale.
Sortie plus vite et plus forte de la crise que les autres économies, à la fois « usine », immense marché et banquier du monde, elle affirme plus que jamais son statut de superpuissance
dans la gouvernance mondiale.
La « Nouvelle Chine » a célébré avec faste son soixantième anniversaire le 1er octobre, passant sous silence d’autres dates symboliques comme les 20 ans de Tiananmen ou le 50e anniversaire du soulèvement du Tibet. Après les émeutes de Lhassa l’année dernière, c’est cette année au Xinjiang qu’ont explosés de terribles affrontements.
Pour préserver l’« harmonie » interne, en ces temps de crise, le gouvernement a multiplié ses interventions pour soutenir l’économie (plan de relance gigantesque pour soutenir le marché intérieur et mise en œuvre de mesures sociales) sans rien lâcher sur le plan des droits de l’homme (censure renforcée, arrestations et condamnations de dissidents).
Alors que l’année du Buffle s’achève bientôt et avant que ne débute l’année du Tigre, faisons un rapide retour sur les dates et événements marquants de 2009 :
La Chine a lancé en novembre 2008 un plan de relance particulièrement ambitieux de 4000 milliards de yuan, visant principalement à stimuler l’investissement domestique. Ce plan s’est révélé très efficace, même si les déséquilibres du modèle chinois persistent.
Le taux de croissance devrait atteindre au moins 8% sur 2009.
La Chine serait devenue sur l’ensemble de l’année 2009 le premier exportateur mondial, devant l’Allemagne (1).
La Chine a été confrontée en 2009 à un regain de protectionnisme, du côté des Etats Unis (sur les pneus ou l’acier) et de la part de l’Union européenne (vis, boulons, chaussures…). Elle a de son côté encouragé le « buy China » dans les appels d’offres accompagnant son plan de relance et fixé des taxes à l’exportation sur certaines matières premières stratégiques.
La faiblesse entretenue du yuan a été fortement critiquée par ses partenaires mais la Chine résiste toujours à toute idée de réévaluation de sa monnaie.
Pékin veut améliorer le système de protection sociale afin de pousser les Chinois à économiser moins pour soutenir la relance et assurer une croissance de long terme : hausse des pensions
(les plus de 60 ans représentent désormais plus de 12% de la population chinoise), lancement d’un système de retraite en milieu rural, développement de l’habitat social, réforme du secteur de la
santé et de la pharmacie, avec notamment la mise en place d’un plan de couverture de santé universelle.
En cette période de crise économique et de dates sensibles, le régime s’est montré particulièrement ferme : déploiement policier sans précédent pour les commémorations, renforcement de la
censure sur internet, lourdes condamnations et, pour finir, exécution d’un ressortissant britannique.
2009 : des anniversaires sous haute tension (2)
20 ans après les événements de Tiananmen, le 4 juin reste un sujet tabou. La Chine rejette tous les appels en faveur d’un réexamen des faits qui sont toujours considérés par Pékin comme une « rébellion contre révolutionnaire ». La sécurité de la place et des autres lieux emblématiques de 1989 a été renforcée, internet a été plus que jamais surveillé et censuré et plusieurs dissidents assignés à résidence.
1 an après le terrible séisme du Sichuan (12 mai 2008) qui a fait plus de 87.000 morts ou disparus, une cérémonie officielle, présidée par Hu Jintao a eu lieu dans le district de Wenchuan. Le
gouvernement a déclaré que 5.335 élèves étaient morts ou disparus sans répondre aux questions des parents sur les responsabilités. Huang Qi, qui avait été arrêté en 2008 après ses critiques suite
au séisme a été condamné en novembre à trois ans de prison pour « possession illégale de secrets d’Etat ».
Internet sous contrôle
La Chine, qui compte la plus large population d’internautes (350 millions), a imposé en 2009 de nouvelles mesures de contrôle du web.
Dans la lignée de la campagne anti-obscénité, elle a imposé l’installation du « grand barrage vert », un logiciel de filtrage des ordinateurs individuels, visant officiellement à
protéger la jeunesse des contenus dégradants circulant sur internet. Le gouvernement entend assurer sur la toile un « environnement sain et harmonieux ». Parmi les catégories
interdites, figurent la violence, la pornographie, la vulgarité, la discrimination ethnique et le risque pour la stabilité sociale. Des milliers de personnes ont été arrêtées dans le cadre de la
campagne anti-pornographie et autant de sites ont été fermés.
Face au renforcement du contrôle du web, une contre-culture satirique se développe (3) et le web devient progressivement le lieu de l’émergence de la société civile et de la prise de conscience
de la corruption et des fortes inégalités (4).
Les dissidents dans le collimateur
Parmi toutes les personnalités « inquiétées » par le régime en 2009, c’est le sort de Liu Xiaobo qui a le plus retenu l’attention en cette fin d’année 2009. L’intellectuel chinois a été
condamné le 25 décembre à 11 ans de prison pour « subversion du pouvoir de l’Etat » après avoir été l’un des auteurs de la "Charte 08"", un texte réclamant le respect des droits de
l’homme et de la liberté d’expression et l’instauration d’élections démocratiques en Chine. Liu Xiaobo a fait appel.
Exécution d’un ressortissant européen
Akmal Shaikh, Britannique d’origine pakistanaise, a été exécuté en Chine le 29 décembre après avoir été condamné à la peine de mort pour trafic de drogue, malgré les protestations de Londres et
les appels à la clémence de sa famille du fait de ses troubles psychologiques. Il avait été arrêté en septembre 2007 au Xinjiang en possession de quatre kilos d’héroïne. Shaikh est le premier
ressortissant européen exécuté en Chine depuis 50 ans. Au total, plus de 1700 exécutions auraient eu lieu en Chine en 2009.
Les festivités sans précédent organisées par Pékin pour le 60e anniversaire de la République populaire ont été l’occasion d’une démonstration de force et de patriotisme.
C’est un grand spectacle à la gloire du régime qui a été présenté : défilé militaire de 8000 soldats avec présentation des armements les plus modernes 100% chinois, parade de 100.000 civils, dîner de gala et feu d’artifice organisé par Zhang Yimou.
La Chine « se tient fermement debout à l’Est », a déclaré Hu Jintao, et ses dirigeants entendent montrer qu’ils sont aux commandes. Ces festivités officielles visaient à exalter le sentiment national et à légitimer l’action du parti.
Pas de fête populaire ! Les cérémonies étaient placées sous contrôle avec un impressionnant déploiement policier, une forte propagande médiatique et la mise à l’écart du public pékinois
invité à regarder l’événement à la télévision.
Le Xinjiang, Far West chinois (5), situé à plus de 3000 km de Pékin, aux confins de l’Asie centrale, est encore majoritairement peuplée de Ouïgours (45% -8,3 millions) mais la part des Hans ne cesse de progresser ; ils représentent aujourd’hui 40% de la population (10 millions). Les Ouïgours, musulmans et turcophones, nourrissent un fort sentiment identitaire et nationaliste. Comme au Tibet, Pékin se méfie de cette région autonome et traque les « séparatistes » et autres « terroristes » (6) tandis que les Ouïgours accusent Pékin de discrimination religieuse et culturelle
Les tensions communautaires qui existaient depuis plusieurs années ont explosé en affrontements interethniques (7) au cours de l’été à l’annonce du lynchage de deux Ouïgours dans une usine de jouets du sud du Guangdong (25/06/09).
La manifestation du 5 juillet a donné lieu à une répression immédiate et forte. Le couvre feu a été décrété et les accès internet et communications par portable suspendus. Face à cette crise, Hu Jintao a dû quitter précipitamment le G8.
Les émeutes ont été suivies d’arrestations en masse dans la communauté ouïgoure et plusieurs émeutiers ont été condamnés à mort. Selon Pékin, ces émeutes étaient organisées depuis l’étranger, ce
que dément Rebiya Kadeer, la dissidente ouïgoure, en exil aux Etats-Unis depuis 2005.
France/Chine : vers une normalisation
Après une année 2008 tendue pour cause de parcours de la flamme chahutée à Paris, de rencontre avec le Dalaï Lama et d’annulation par Pékin du sommet Europe-Chine prévu à Lyon, les relations se
sont réchauffées cette année entre les deux pays sur fond de communiqué de presse conjoint franco-chinois, de nombreuses visites officielles françaises (JP Raffarin, C. Poncelet, Christine
Lagarde, François Fillon) et même d’un accord entre l’UMP de Xavier Bertrand et le PCC (le 22 octobre).
Chine - Etats-Unis : le G2
L’interdépendance entre la Chine et les Etats-Unis les obligent à coopérer. Pourtant les sujets de discorde sont nombreux entre les deux superpuissances.
Le premier voyage de Barack Obama en Chine en novembre a déclenché un véritable engouement populaire comme l’a montré la multiplication des tee-shirts et autres objets à l’effigie
d’Obamao ou de Maobama. Sur le plan politique, au-delà des discours sur les progrès de la coopération sino-américaine, de l’appel à une reprise des négociations sur le
nucléaire nord-coréen, de la mise en garde à l’Iran, les sujets sensibles n’ont pas manqué comme le protectionnisme, les enjeux climatiques ou les droits de l’homme. Le Président américain,
récent prix Nobel de la paix, a déclaré que "les libertés d’expression et de culte, d’accès à l’information et de participation politique, sont (…) des droits universels. Ils devraient être
accessibles à tous, y compris aux minorités ethniques et religieuses, que ce soit aux Etats-Unis, en Chine, ou ailleurs".
La troisième économie mondiale entend plus que jamais compter sur la scène géopolitique. Alors que la crise financière a ébranlé l’hégémonie américaine, Pékin prône la multipolarité, dans toutes
les instances internationales du G20 au sommet de Copenhague.
Les relations sino-africaines : ressources contre investissements
Le 4e forum sino africain (FOCAC) s’est tenu en Egypte en présence du premier ministre
Wen Jiabao. En dix ans, l’Afrique est devenue le deuxième partenaire économique de la Chine derrière les Etats-Unis. Elle fournit l’essentiel des ressources naturelles dont le géant asiatique a
besoin pour sa croissance en échange d’investissements massifs dans les infrastructures. Avec l’Afrique, la Chine abandonne sa posture de grande puissance pour se présenter comme un pays encore
émergent et conteste fermement toute accusation de néocolonialisme.
Le sommet de Copenhague a été marqué par l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis, les deux plus gros pollueurs de la planète.
Les Etats Unis exigeaient une répartition des contraintes entre pays industrialisés et pays émergents tandis que la Chine, première émettrice de CO2, a refusé tout mécanisme international de
contrôle des politiques nationales et a mis en avant le « droit au développement » (150 millions de Chinois étant encore sous le seuil de la pauvreté). Selon elle, les pays
industrialisés ont une dette historique qu’elle refuse de payer.
La Chine qui tire 70% de son énergie du charbon est consciente qu’elle doit réduire cette dépendance excessive et qu’elle a besoin d’une révolution verte(8).
2009 :
Janvier : le ministère chinois de la Santé annonce qu’en 2008 près de 300 000 nourrissons ont été
affectés par le lait contaminé à la mélamine et que 6 en sont morts. Une vingtaine de condamnations ont été prononcées, la faillite du groupe Sanlu au cœur du scandale a été prononcée et deux
personnes ont été exécutées le 24/11.
Février : Vente des têtes de rat et de lapin en bronze provenant du Palais d’été (collection Yves
Saint Laurent et Pierre Bergé au Grand Palais à Paris). Protestations de Pékin.
Mars : 50e anniversaire de la révolte du Tibet et exil du Dalaï Lama Pékin célèbre l’abolition du servage au Tibet
(28/03)
Avril : G20 à Londres. Rencontre Hu-Obama. « Réconciliation » franco-chinoise
17-19 avril : conférence annuelle du Forum asiatique de Bo’ao (Hainan).
12 mai : commémoration du séisme de Wenchuan (Sichuan)
15-22 mai 2009 : forum trans-détroit
4 juin : 20 ans de Tiananmen
5 juillet : émeutes au Xinjiang. Près de 200 morts et plus de 1.600 blessés. Une soixantaine de
personnes jugées à ce jour, plusieurs condamnées à mort
Septembre : le Président chinois présent à l’Onu à New York et au sommet financier du G20 à
Pittsburgh
10, 11 et 12 septembre : Forum de Davos 2009 à Dalian
1er octobre : 60e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine
4 octobre : visite de Wen Jiabao en Corée du Nord
8-9 novembre : 4e FOCAC Forum Chine Afrique
15-18 Novembre : visite de Barack Obama en Chine (Shanghai et Pékin)
30 novembre : 12e sommet sino-européen à Nankin
20 décembre : 10e anniversaire de la rétrocession de Macao à la Chine
21 novembre : 104 mineurs meurent suite à un coup de grisou dans une mine de charbon d’Etat à
Hegang, dans la province du Heilongjiang (Nord-Est).
7 au 19 décembre : sommet sur le climat de Copenhague
17 décembre : arrestation de Zhao Lianhai, responsable du site internet d’information et de défense
des familles victimes du lait contaminé "Kidney Stone Babies". Il risque jusqu’à cinq ans de prison.
20-22 décembre : François Fillon en Chine. Rencontres avec le vice-Premier ministre - et probable
futur Premier ministre - Li Keqiang, le président de l’Assemblée Wu Bangguo, le président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao.
25 décembre : condamnation à 11 ans de prison pour l’intellectuel chinois Liu Xiaobo, l’un des
auteurs de la Charte 08
29 décembre : exécution d’Akmal Shaikh
2010 :
1er janvier 2010 : suppression des droits de douane entre la Chine et 6 pays de l’ASEAN
En 2010, la Chine pourrait devenir la 2e économie du monde, devant le Japon.
1er Mai-31 octobre 2010 : exposition universelle de Shanghai Avec 100 millions de visiteurs attendus par les
organisateurs, Shanghai 2010 a pour objectif de devenir la plus grande exposition universelle de tous les temps.
Notes :
(1)Les exportations chinoises, malgré un repli de 16,5%, totalisent 1190 milliards de dollars en 2009 et représentent 9 % de toutes les exportations de la planète.
(2) 60 ans de la République populaire, 50 ans du soulèvement au Tibet, 20 ans de Tiananmen et 10 ans de la répression contre le Falungong…
(3) Cf. le phénomène des « lamas boueux » cette vidéo présentant les Cao Ni Ma (signifiant à la fois lamas et « nique ta mère ») luttant contre leur ennemis les He Xie (au
choix « crabes de rivière » ou « harmonie » devenue, pour les internautes chinois synonyme de censure)
(4) Cf. la mobilisation autour de certains faits divers : l’affaire de cette jeune femme qui a tué l’officiel qui aurait tenté de la violer ou celle de ce prisonnier qui se serait tué tout
seul en jouant au chat ( !) avec ses codétenus.
(5) 1 660 000 km2 soit 1/6e du pays
(6) L’ETIM, le mouvement islamiste du Turkestan oriental, est classé par l’ONU comme une organisation terroriste proche d’Al-Qaïda.
(7) Les principales victimes lors des violences de juillet ont d’abord été des Hans. Les jours suivants, ces derniers se sont vengés, lançant des expéditions punitives contre des Ouïghours dans
les rues d’Urumqi, la capitale du Xinjiang.
(8) Elle souhaite que les énergies renouvelables représentent 15% d’ici à 2020, contre 9% actuellement. La Chine est devenue en 2009 le numéro trois mondial dans l’énergie éolienne (derrière EU
et Allemagne) avec une capacité installée de 20 gigawatts.