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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 13:05

Alors que la Chine vient de ravir au Japon la place de deuxième puissance économique, je vous propose un petit retour sur les relations sino-américaines depuis 2 ans.

 

Article de février 2009 :

Vers une tension dans les relations Etats-Unis / Chine ?

 

Alors que la Chine et les Etats-Unis fêtent cette année les 30 ans de l’établissement de leurs liens diplomatiques (01/01/1979)(1), l’arrivée de la nouvelle administration Obama marquera-t-elle un tournant dans les relations bilatérales entre les deux puissances ? En 30 ans, les relations Etats-Unis/Chine sont en effet passées par des phases successives de crispation et d’apaisement. Les tensions étaient particulièrement fortes autour de l’an 2000. On se souvient des manifestations anti-américaines qui ont suivi le bombardement par l’OTAN de l’ambassade chinoise de Belgrade en mai 1999 et de l’affaire de la collision entre un avion militaire chinois et un avion espion américain au large de Hainan en Chine méridionale en avril 2001. Suite aux attentats du 11 septembre, Jiang Zemin a été l’un des premiers chefs d’Etat à adresser un message à George Bush et la détente s’est peu à peu installée. Les relations sino-américaines se sont développées autour de rencontres comme les discussions à six sur le nucléaire nord-coréen et l’instauration du dialogue économique stratégique (DES) fin 2006.


Pékin a vu partir avec regret l’administration Bush avec laquelle les relations étaient globalement bonnes. La politique de l’administration Bush a consisté à éviter toute confrontation avec la Chine. Même si George W. Bush a reçu le Dalaï Lama, il était présent à la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin. A tel point que les journaux officiels chinois ont salué son départ de la Maison Blanche en le qualifiant d’ « ami de la Chine ». 

Les dirigeants chinois ne savaient pas à quoi s’attendre avec l’arrivée d’une nouvelle administration. Traditionnellement, ils se méfient des démocrates, généralement plus préoccupés par la question des droits de l’homme et, de par leurs liens avec les syndicats, plus sensibles à l’impact des pratiques commerciales chinoises sur le marché de l’emploi américain. 

La Chine a été très peu présente dans la campagne électorale américaine. Les seules allusions des candidats ont porté sur l’interdiction des jouets « made in China » - proposition de McCain – et la critique de la sous-évaluation du yuan responsable, selon Obama, de l’énorme déficit commercial américain à l’égard de la Chine. 

Le discours d’investiture du Président Obama a marqué le premier « couac ». Deux passages ont été censurés en direct à la télévision chinoise : celui sur le communisme (« Souvenez-vous que les précédentes générations ont tenu tête au communisme et au fascisme pas seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables ») et celui sur la dissidence (« A ceux qui s’accrochent au pouvoir par la corruption et la fraude, et en bâillonnant la dissidence, sachez que vous êtes du mauvais côté de l’histoire mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer votre poing »). 

La Chine, devenue la troisième économie mondiale, sa devise et son énorme excédent commercial sont visés par la nouvelle administration américaine, dès son arrivée au pouvoir. 
C’est Tim Geithner, deux jours après l’investiture, lors de son discours devant le Sénat, qui reprend le thème de la sous-évaluation du yuan et accusant Pékin de « manipuler » sa monnaie et de soutenir ainsi artificiellement ses exportations. Les exportations chinoises aux Etats-Unis ont atteint un nouveau record, s’élèvant à 338 Mds de dollars en 2008. La balance commerciale américaine a clôturé l’année en déficit de 677 Md$ dont 40% imputables à la Chine (266 Md$). Si le yuan s’est apprécié de 20% en 5 ans, certains experts américains considèrent qu’il est encore largement sous-évalué face au dollar (jusqu’à 40% selon les plus « virulents »). 

Au moment où l’administration Obama propose son plan de relance face à la crise, ces attaques contre la Chine sont de nature à flatter les citoyens inquiets pour leur emploi et les puissants syndicats, notamment ceux de l’acier et du textile. 

La réplique chinoise n’a pas tardé. D’abord du côté du Premier ministre Wen Jiabao qui, à Davos, a accusé les Etats-Unis, sans les nommer, d’être les premiers responsables de la crise et qui leur a demandé de choisir la voie de la « coopération » plus que de la « confrontation ». Puis du côté du Président Hu Jintao, qui lors de sa conversation téléphonique avec B. Obama, l’a exhorté à résister au « protectionnisme commercial ». 

Selon le China Daily, « le Président américain considère peut-être la Chine comme une concurrente ». 

Ce qui est certain, c’est qu’après plusieurs années, la Chine pourrait redevenir centrale dans les préoccupations de l’administration américaine. Deux des conseillers du Président Obama sont particulièrement réputés pour leur connaissance des enjeux chinois. Jeffrey Bader, conseiller pour l’Asie du Conseil de sécurité national est un spécialiste de la Chine, qu’il voit comme une priorité. Kurt Campbell, Secrétaire adjoint pour l’Asie de l’Est est lui un ardent défenseur de Taïwan et considère que la modernisation militaire chinoise est une réelle menace. 

Avec Bush comme « repoussoir » pour de nombreux pays et sa politique centrée sur Al-Qaïda et sur l’Irak, les Chinois ont eu tout le loisir de développer leurs liens économiques et diplomatiques avec le reste du monde (en particulier l’Afrique et l’Amérique du Sud). L’Amérique d’Obama semble vouloir reprendre son leadership mondial. La concurrence entre les deux nations ne fait donc que commencer. 

Les autres sujets de discussion avec la Chine ne manquent pas : la question du Darfour, la propriété intellectuelle, la sûreté des produits, l’énergie, l’environnement, le nucléaire iranien et nord-coréen, Taïwan, les droits de l’homme (2) …
Hillary Clinton, qui prépare son prochain voyage en Chine, souhaite que la relation entre les deux pays soit « plus complète » (ie. pas seulement économique) et veut « parler de tout ». 

Si l’interdépendance entre les deux pays est facteur de tensions, elle rend pourtant nécessaire leur collaboration. La Chine dépend de la consommation américaine pour soutenir ses exportations et les Etats-Unis dépendent de Chine, leur premier créancier (3). Leurs économies sont totalement imbriquées. 

Les autorités de Pékin disent apprécier la volonté du nouveau Président américain d’exercer une diplomatie souple et ouverte. Par ses premiers signaux contre les pratiques commerciales chinoises, Barack Obama tente manifestement de démarrer les négociations en position de force. 


(1) Les « anniversaires » de 2009 : les 20 ans des événements de Tian An Men en juin, les 60 ans de la République populaire de Chine le 1er octobre.
(2) Les associations de protection des droits de l’homme mettent la pression au Sénat pour que cette question soit abordée par la nouvelle administration avec la Chine. Le gouvernement américain vient d’ailleurs d’envoyer un premier signal à Pékin en refusant de renvoyer en Chine les 17 détenus ouighours de Guantanamo.
(3) La Chine est devenue la première détentrice de bons du Trésor américain en 2008 avec 585 Md$, devant le Japon.

 

et celui de novembre 2009 :

Une nouvelle ère dans les relations sino-américaines ?

 

Barack Obama est attendu en Chine du 15 au 18 novembre pour sa première visite depuis son entrée en fonction (1). Il fera d’abord une étape à Shanghai (2) avant de se rendre à Pékin pour sa troisième rencontre avec son homologue Hu Jintao (3). L’objectif est de renforcer la coopération entre les deux puissances sur les questions d’intérêt commun, bilatérales, régionales et mondiales. Les sujets sont nombreux et les divergences réelles.


Depuis l’installation de l’administration Obama, les relations sino-américaines ont connu de multiples tensions (discours d’investiture d’Obama, question de la sous-évaluation du yuan, accrochage dû à la présence de navires militaires américains proches des côtes chinoises …) mais, l’interdépendance économique des deux pays est telle qu’ils ne peuvent se passer l’un de l’autre (4). 

La préparation du sommet de Copenhague (question climatique) sera au cœur des discussions. La Chine et les Etats Unis totalisent 40% des émissions mondiales de CO2. La Chine a dépassé les Etats-Unis en volume total d’émissions (6.600 millions de tonnes d’équivalent CO2 pour la Chine contre 6.400 millions de tonnes pour les Etats Unis en 2008), toutefois un Chinois émet encore cinq fois moins de gaz à effet de serre qu’un consommateur américain moyen (4,8 tonnes contre 21 t). 

Les problèmes de sécurité seront également à l’agenda : avec bien évidemment le nucléaire iranien et nord-coréen, mais aussi les questions militaires bilatérales. Les Etats-Unis sont très attentifs à l’évolution et à la modernisation de l’armée chinoise et souhaitent plus de transparence sur le budget militaire chinois. De son côté, Pékin considère que les ventes d’armes par les Etats-Unis à Taiwan constituent toujours l’un des principaux obstacles au développement des relations militaires entre la Chine et les Etats-Unis. 

Sur le plan économique, les tentations de protectionnisme commercial sont fortes : taxation par les Etats Unis des pneus chinois ou des tubes en acier, critiques des subventions américaines à l’industrie automobile ou à la production de poulet !
Les Etats-Unis qui enregistrent actuellement leur plus important déficit commercial avec la Chine (143,7 milliards de dollars sur les huit premiers mois de 2009) considèrent que la monnaie chinoise est sous-évaluée ce qui dope artificiellement leurs exportations. La Chine souhaite quant à elle accéder rapidement au statut d’économie de marché (5), jugeant que son statut actuel d’économie en transition lui est défavorable dans les enquêtes commerciales conduites par l’OMC (6). 

Enfin, concernant les droits de l’homme, les associations qui militent pour la libération de Hu Jia ou de Liu Xiaobo, pour le Tibet (7), pour le Xinjiang et, plus largement, pour les libertés (d’expression, de la presse, syndicale, religieuse…) pressent le président Obama, d’évoquer ces questions lors de son voyage dans l’Empire du milieu (8). 

Quelle sera la position du nouveau prix Nobel de la Paix ? 

Lors de sa dernière conférence de presse, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, He Yafei indiquait : « Nous croyons que la visite du président Obama en Chine sera un succès avec des efforts concertés des deux côtés ». 

(1) Lors de sa tournée asiatique, le Président américain se rendra au Japon, à Singapour, en Chine et en Corée du Sud. 
(2) Shanghai devrait finalement voir s’installer en 2014 un parc Disney. Les investissements sont estimés à 3,6 milliards de dollars. 
(3) La première rencontre a eu lieu en avril à Londres et la seconde à New York en septembre en marge du sommet sur le changement climatique. 
(4) Comme le soulignait le vice-Premier ministre Wang Qishan lors de la réunion de la Commission conjointe sur le Commerce sino-américaine (JCCT) à Hangzhou en octobre dernier. 
(5) Prévu en 2016 lors de son accession à l’OMC. 
(6) En 2008, la Chine a fait l’objet de 73 enquêtes d’anti-dumping et de 10 enquêtes d’anti-subvention, représentant respectivement 35 % et 71 % des cas mondiaux, et faisant de la Chine le membre de l’OMC ayant subi le plus grand nombre d’enquêtes commerciales dans le monde. 
(7) Le Président Obama a refusé de renconrer le Dalaï Lama avant sa visite en Chine mais la rencontre pourrait avoir lieu après sa tournée asiatique. 
(8) Lors de son voyage à Pékin en février 2009, Hillary Clinton avait principalement évoqué les questions économiques et commerciales, semblant relativiser la question des droits de l’homme au profit de la « diplomatie des bons du trésor ».


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Aire de recherche : Chine, géostratégie de l'information.
Formateur en management interculturel.
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